Sauf exceptions mentionnées aux articles L. 145-17 et suivants du Code de commerce, lorsque le bailleur refuse le renouvellement du bail, il est tenu de payer au locataire une indemnité d’éviction égale au préjudice causé.
Attention : si le propriétaire ne propose aucune indemnité d'éviction, le locataire qui entend en demander une doit, à peine de forclusion, saisir le tribunal compétent avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
Critères d'évaluation
L'article L. 145-14 alinéa 2 du Code de commerce dispose que l'indemnité d'éviction comprend, notamment, la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le bailleur fait la preuve que le préjudice est inférieur.
L'importance du dommage subi par le locataire dépend du sort réservé au fonds et nécessite donc de distinguer deux situations :
- la disparition du fonds, conséquence de la perte de la clientèle attachée au lieu de situation (cas, notamment, des commerces dits de quartier ou de proximité) ;
- le transfert du fonds, conséquence de l'installation du locataire dans de nouveaux locaux sans perte de la clientèle.
Date d'évaluation
Le préjudice doit être évalué au jour le plus proche de l'éviction, c'est-à-dire :
- soit au jour du départ effectif du locataire ;
- soit à la date de la décision de justice, si le locataire est encore dans les lieux le jour où les juges statuent.
Les juges doivent être saisis dans les deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné ou, si le locataire avait fait une demande de renouvellement, de la date à laquelle lui a été signifié le refus de renouvellement.
Méthodes d'évaluation
Évaluation de l'indemnité correspondant au remplacement du fonds
Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle il y a perte de la clientèle attachée au lieu de situation du fonds soit parce que celui-ci disparaît purement et simplement, soit parce qu'il ne peut pas être transféré à proximité de l'ancien lieu d'exploitation.
Indemnité principale : la valeur marchande du fonds
L'article L. 145-14 du Code de commerce précise que la valeur marchande du fonds de commerce doit être déterminée suivant les usages de la profession. Cependant, à quelques rares exceptions près, ceux-ci sont souvent inexistants ou méconnus.
Plusieurs méthodes existent pour évaluer un fonds de commerce. Les juges apprécient souverainement celle qui leur semble la plus équitable pour réparer le préjudice du locataire évincé .
Indemnités accessoires
L'indemnité principale est, éventuellement, augmentée :
- des frais normaux de déménagement et de réinstallation ;
- des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur ;
- de l'indemnité de trouble commercial ou de cessation d'exploitation destinée à compenser la perte de gains pendant le temps nécessaire à la réinstallation du locataire ;
- de l'indemnité de licenciement en cas de rupture des contrats de travail du personnel salarié (uniquement en cas de disparition définitive du fonds ou de réinstallation lointaine).
Attention : les trois premiers éléments sont pris en compte uniquement si le locataire évincé se réinstalle.
En revanche, sont exclus du calcul de l'indemnité d'éviction :
- le matériel, le mobilier et les droits incorporels car ils sont et restent la propriété du locataire évincé ;
- l'acquisition d'un nouveau pas-de-porte car cet élément est déjà pris en compte dans le cadre de l'indemnité principale ;
- les aménagements et travaux réalisés dans le local dont le bail n'est pas renouvelé ;
- les impôts dus au titre des plus-values ;
- le préjudice moral.
Évaluation de l'indemnité correspondant au déplacement du fonds
Il s'agit de l'hypothèse dans laquelle le commerçant a la possibilité de se réinstaller ailleurs sans perdre sa clientèle. Le fonds n'étant pas perdu, il n'a pas à être remplacé. L'indemnité d'éviction correspond alors à une valeur de déplacement.
Remarque : pour apprécier la possibilité de réinstallation, la jurisprudence tient compte de la nature de l'activité et de la situation immobilière du quartier (existence ou non de locaux commerciaux vacants à proximité du précédent lieu d'exploitation).
Indemnité principale : la valeur du droit au bail
La méthode la plus couramment utilisée en matière d'évaluation du droit au bail est celle dite du différentiel . Elle consiste à retenir la différence entre le montant du loyer que le locataire évincé aurait payé si le bail avait été renouvelé (moyennant un loyer plafonné) et celui du loyer qu'il va devoir payer en allant s'installer dans un autre local (c'est-à-dire la valeur locative du marché).
À ce différentiel de loyer est appliqué soit un coefficient dit de capitalisation, soit un coefficient dit de situation tenant compte de la nature de l'activité et de la commercialité de l'emplacement.
Indemnités accessoires
Elles sont identiques à celles mentionnées précédemment pour le calcul de l'indemnité d'éviction correspondant au remplacement du fonds.