
À 24 ans, Yovann Pigenet s’impose comme l’une des figures montantes de l’entrepreneuriat social en France. Animé par une volonté farouche d’aider les autres, il a su créer, en quelques années, un écosystème solidaire luttant contre la précarité étudiante et tout en générant de la valeur.
À travers Delivraide, une plateforme de distribution de kits alimentaires pour les étudiants précaires, Dressed, qui redistribue des vêtements aux personnes dans le besoin, ou encore Blitz, un fonds d’investissement pour jeunes entrepreneurs, Yovann redéfinit l’entrepreneuriat social.
Son parcours force le respect. Parti d’une idée née sur les bancs de l’université, il a levé plus d’un million d’euros et mobilisé des milliers de bénévoles en seulement deux ans. Ce succès ne s’est pas construit sans obstacles. Entre barrière de la langue, marqueurs sociaux, échecs et défis, Yovann partage sans filtre son expérience et sa vision d’un monde où réussir, c’est aussi aider les autres.
Casser les barrières sociales
Yovann n’est pas du genre à se chercher des excuses. Il sait d’où il vient, il sait aussi ce que cela implique.
Ses parents, bien que modestes, l’ont toujours encouragé à se dépasser. « J'ai toujours été poussé par mes parents qui avaient conscience de l'importance des études » explique Yovann. Ces encouragements et ses bonnes notes lui ont permis de rejoindre un lycée parisien et de passer par une classe préparatoire, avant d’obtenir un master de droit, mené en parallèle de ses projets d’entreprises.
Grandir en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), c’est porter des marqueurs sociaux. Des marqueurs que l’on ne soupçonne même pas : une manière de parler, de s’exprimer, de se tenir. « Quand je parle, à mon débit rapide, on entend que je viens de banlieue. » Il se souvient de son professeur de prépa qui lui avait fait prendre conscience de ces différences : « Quand j’entends Timothée parler, je sais qu’il n’a pas grandi en banlieue. Quand je t’entends, je sais que tu n’es pas du même milieu. »
En homme averti, il sait s’adapter aux codes des univers qu’il fréquente, « à jouer le caméléon » comme il dit. Pour autant, sans gommer qui il est. Il a appris à ne jamais se limiter à son environnement, à voir grand, tout en restant fidèle à ses racines. Yovann a choisi d’utiliser cette identité comme une force. « Il ne faut pas se travestir. Il faut savoir qui on est et rester droit avec ses convictions. » Refusant d’être instrumentalisé, il va jusqu’à décliner une invitation d’Emmanuel Macron. « Je n’avais pas envie de me faire récupérer. »
Curiosité, lecture et travail : les clés pour avancer
Loin d’un discours fataliste, Yovann prône la curiosité comme clé de l’émancipation. Il voit trois grandes ressources pour s’en sortir lorsqu’on vit dans un QPV. Il cite en premier la curiosité et s’explique : « Quand tu grandis en banlieue, ton univers est circonscrit à ton quartier. Tu crois que tout est là, alors qu’à 35 minutes, tu as Paris et tout un monde à découvrir. » Les habitants ne sont pas incités à sortir de leur zone de confort, à aller voir ailleurs, à fréquenter les musées, voir les monuments et comprendre comment le monde fonctionne. Pourtant, pour Yovann, c’est ce qui permet de grandir.
Le deuxième point qu’il cite est la lecture, insuffisamment pratiquée. « On n’est pas assez sensibilisés à l’importance de lire. » La lecture permet d’enrichir son vocabulaire, de mieux comprendre les mécanismes de la grammaire et la richesse de la conjugaison. Elle transmet les savoirs, ouvre à d’autres univers. Grâce à elle, on apprend à mieux connaître les autres : « Le pouvoir de la lecture est incroyable ! »
Et troisième point : le travail, nécessaire à toute démarche entrepreneuriale. Il nous confie « kiffer » travailler : « C’est peut-être dans mes gènes, mes parents sont de gros travailleurs aussi. » Pour autant, il est conscient que chacun doit trouver son propre équilibre. Tout le monde ne peut pas être entrepreneur et ce n’est pas un problème. « Être salarié, ce n’est pas négatif », insiste Yovann.
Entreprendre, c’est échouer et recommencer
Aujourd’hui, Yovann porte un regard bienveillant sur l’enfant qu’il était et sa première aventure entrepreneuriale, plutôt naïve. Son premier échec, il l’a connu au collège, lorsque l’huissier a envoyé un courrier chez lui. Il avait monté une plateforme de revente de jeux vidéo, sans se soucier des obligations légales. Il relate maintenant cette histoire avec le sourire : « C’était un échec mignon. J’ai appris que, si mon idée était géniale sur le papier, elle ne pouvait pas fonctionner. »
Depuis, d’autres revers ont suivi : des projets avortés, des recrutements ratés. Mais il refuse de les voir comme des freins : « après un échec, on ne refait plus la même erreur. Et on sait qu’il y a toujours une solution ! »
Il insiste sur le fait que l’entrepreneuriat n’est pas une sphère réservée à une élite, mais un terrain d’expression pour tous ceux qui souhaitent faire une différence. « Je viens d’un quartier populaire. Ce n’est pas le lieu de naissance qui fait un entrepreneur, mais la volonté de s’engager, de se battre pour ses idées » confie-t-il. Pour Yovann, la réussite n’est pas une question de provenance sociale, mais de capacité à créer des opportunités et à faire bouger les choses.
Aujourd’hui, avec plus de 2500 collaborateurs, la gestion d’une telle structure est un défi permanent. « Je ne déconnecte jamais, je pense aux salaires, aux loyers. » Une liberté incroyable, mais exigeante qui demande des sacrifices.
L’entrepreneuriat à impact comme levier de solidarité
Avec Delivraide, Yovann apporte une aide concrète aux étudiantes et aux étudiants précaires : « Je voyais des étudiants autour de moi, parfois sans ressources pour se nourrir. J’avais un rôle à jouer pour leur faciliter la vie. » À travers ce projet, Yovann veut aussi prouver qu’on peut entreprendre pour apporter du sens à son travail, en combinant impact social et modèle économique viable.
Ce qui rend Delivraide unique, c’est son impact à double niveau : matériel et psychologique. « On ne livre pas juste des kits alimentaires. On montre aux étudiants qu’ils ne sont pas seuls. Et ça, ça change tout. » Un chiffre illustre cet engagement : 7,9 % des bénéficiaires deviennent livreurs. Un cycle vertueux, où ceux qui ont reçu aident à leur tour. Ce modèle de réciprocité est pleinement dans la vision et les valeurs de solidarité prônées par Yovann Pigenet : « Moi, j’ai reçu de l’aide en lançant mon projet, aujourd’hui j’en donne dès que je peux. » Et l’aide, il l’a trouvée aussi auprès de ses partenaires. Plutôt que de se tourner vers des fonds d’investissement, pour sa levée de fond, il est allé voir les partenaires avec qui il travaillait déjà (Carrefour, Axa, Bouygues, Nexity).
Cette levée de fonds de plus d’un million d’euros n’aurait pas été possible sans une préparation intense. Yovann souligne l’importance de bien se préparer en amont pour pitcher son projet. « Il faut être soi-même, raconter son histoire, sa mission. Si on croit à fond en son projet, ça se ressent. » Il reconnait aussi le stress de ces moments. Il lui arrive parfois de bégayer, d’oublier ses mots. Il n’est pas un surhomme.
Loin de s’arrêter là, Yovann développe Dressed, des boutiques de vêtements gratuits pour les étudiants en difficulté. Avec Blitz, il accompagne de jeunes entrepreneurs à lancer leur projet, en les formant et en investissant dedans, prouvant qu’on peut réussir sans renier ses valeurs. Et en parallèle, il développe Mood, une agence de communication qui lui permet de financer ses projets. Son approche démontre que l’entrepreneuriat social peut être économiquement viable.
Et demain ? « Si demain, il n’y a plus aucun étudiant en difficulté, tant mieux ! On recentrera nos efforts vers d’autres publics. L’essentiel, c’est d’être utile » avance-t-il.
Si Yovann a pu bâtir des projets à fort impact, c’est parce qu’il n’a jamais cessé de croire en ses rêves. « Si j’avais attendu d’avoir toutes les ressources, je n’aurais jamais commencé » affirme-t-il.
Son message aux jeunes, notamment ceux issus des QPV, est clair : il n’y a aucune raison de se freiner par rapport à son passé ou à son environnement. L’entrepreneuriat est à la portée de tous. Ce qui compte, c’est l’envie de s’investir, de se former, de se lancer dans l’aventure, et surtout, de vouloir changer les choses autour de soi et de ne pas craindre l’échec « Si ça ne marche pas la première fois, tu apprends et tu recommences. C’est cette persévérance qui fait la différence », conclut Yovann.
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