Concentrée sur l’exploitation des connaissances scientifiques et technologiques pour créer des innovations de rupture et ainsi offrir des solutions aux grands défis de notre monde, la Deeptech peut avoir un impact significatif sur la société.
Pour Innovafeed, tout part d’un constat communément admis : le manque de soutenabilité de notre modèle agro-industriel. Dans un contexte de changement climatique et de pression de plus en plus importante sur les ressources naturelles, nos modes de production doivent évoluer. En partant de ce besoin, Innovafeed ambitionne de réintroduire l’insecte dans notre chaîne alimentaire, tirant parti du très faible impact environnemental de son élevage.
« Contrairement à d’autres entreprises de la Deeptech, notre invention n’est pas née dans un laboratoire mais plutôt issue d’un besoin commercial. Les ingrédients à base d’insectes peuvent permettre à nos chaînes alimentaires d’être circulaires et plus vertueuses. L’élevage d’insectes existait déjà, la difficulté résidait dans sa mise à l’échelle pour l’alimentation animale et humaine » explique Clément Tiret, Directeur financier d’Innovafeed.
C’est avec cette conviction que les fondateurs de la société ont cherché les briques technologiques à assembler pour répondre à ce besoin. L’entreprise s’est alors appuyée sur l’expertise d’ingénieurs et de spécialistes en entomologie, l’étude des insectes. En 2 ans seulement, elle est passée de l’échelle laboratoire à l’échelle commerciale.
Aujourd’hui devenue leader dans la fabrication d’ingrédients à partir d’insectes, elle produit et commercialise de la protéine, de l’huile et de l’engrais organique pour l’agriculture et l’élevage d’animaux. Avec un volume de production déjà important, Innovafeed souhaite encore augmenter sa capacité de production pour s’intégrer au maximum dans la chaîne de valeur des différents marchés agroalimentaires.
La Deeptech offre de nombreux potentiels pour aborder les défis environnementaux et contribuer à réussir une transition durable et résiliente. Dans tous les grands secteurs émetteurs d’émissions carbone (énergie, alimentation, transports, industrie), des innovations technologiques sont possibles pour rendre certaines pratiques plus vertueuses. Chez Innovafeed, l’élevage d’insectes offre d’importants avantages environnementaux : « L’insecte peut se nourrir de flux de déchets organiques ou de coproduits agricoles qui aujourd’hui n’ont pas ou peu de valorisations intéressantes. D’autre part, les insectes sont très peu émetteurs de CO2 et n’utilisent que très peu de sols s’ils sont élevés dans des fermes verticales ».
Au-delà du faible impact de la solution, la société a imaginé dès ses débuts un modèle de développement viable et circulaire, basé sur le principe de symbiose industrielle : des synergies entre organisations d’un même territoire avec des impacts positifs sur les plans économique, social et environnemental. Ainsi, Innovafeed récupère les flux de coproduits d’une usine de transformation de blé pour nourrir ses insectes : « L’usine avait des fonds de cuves issues du processus de fabrication de l’amidon et de l’éthanol, et devait les faire sécher à l’aide d’une turbine à gaz pour les valoriser. En récupérant ces coproduits pour nourrir nos insectes, on permet également à l’usine de réaliser des économies d’énergie. »
La deuxième synergie créée concerne la consommation d’énergie de l’usine. L’insecte issu des régions tropicales doit être maintenu à une certaine température. En captant la chaleur fatale (chaleur inévitablement rejetée dans la nature lors de processus de fabrication ou de transformation) d’une centrale biomasse partenaire, Innovafeed répond à l’essentiel de ses besoins en énergie. Ce modèle de site de production circulaire et vertueux permet à Innovafeed d’économiser 50 000 tonnes de CO2 par an.
La Deeptech est un secteur nécessitant des investissements importants en recherche, développement et infrastructures. L’approche par pallier est une caractéristique importante, en particulier lorsque le challenge réside dans le passage à l’échelle d’une technologie. L’objectif pour les entreprises de la Deeptech est alors de trouver l’équilibre entre apprentissage et maîtrise du niveau de risque.
Pour financer ses premiers paliers de tests, Innovafeed a dû rapidement trouver des fonds : « Nous avons d’abord sollicité des fonds privés en phase d’amorçage, principalement via des Business angels. Pour aller plus loin, nous avons pu le compléter d’un prêt d’honneur et de diverses subventions pour financer une partie de la recherche. Puis à partir de la Série A, nous avons été accompagnés par des fonds de venture capital. » En répliquant cette logique au fur et à mesure des différentes phases de tests, l’entreprise a pu développer un premier pilote industriel, puis se lancer dans la phase commerciale.
Différente de la Tech, la Deeptech possède quelques enjeux spécifiques. Avec des dépenses d’investissement matérielles et un temps de maturation plus long, les besoins de financement de ces entreprises peuvent être élevés. Une mise qui peut cependant se révéler intéressante lorsque les innovations révolutionnent nos modes de vie : « Aujourd’hui, dans tous les grands secteurs émetteurs de CO2, nous avons besoin d’innovations de rupture, car l’échéance est trop proche. Il faut évidemment jouer sur les usages et gagner en sobriété, mais les innovations technologiques vont nous permettre de rendre vertueuses certaines pratiques. Il faut jouer sur tous les tableaux et poursuivre cet effort dans tous les secteurs de l’économie », conclut Clément Tiret.