L'article L. 145-4 du Code de commerce (alinéas 3 et 4) permet au locataire ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, ou obtenu une pension d'invalidité, de résilier le bail commercial à tout moment.
Le locataire d’un bail commercial qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou qui a été admis au bénéfice d’une pension d’invalidité peut céder son bail à un repreneur, même si ce dernier n’exercera pas la même activité que lui : on parle de cession-déspécialisation.
Cette cession peut avoir lieu à tout moment au cours du bail, nul besoin d’attendre la fin d’une période triennale. De plus, il suffit que le locataire ait l'intention de céder son bail, il n’est pas contraint de vendre son fonds de commerce dans sa globalité.
Le droit à la cession-déspécialisation bénéficie également au locataire en situation de cumul emploi-retraite (3ème Chambre civile, 23 novembre 2011 n°10-25.108).
La Cour de cassation a jugé qu'en cas d'époux cotitulaires d'un bail commercial, le fait que seul l'un d’eux demande à bénéficier de sa retraite suffit pour invoquer ce dispositif (3ème Chambre civile, 30 janvier 1991 n°89-11.313).
Attention, ces dispositions concernent :
- le commerçant, personne physique (entreprise individuelle);
- le dirigeant associé unique d'une EURL (SARL unipersonnelle) ;
- le gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une SARL, quand celle-ci est titulaire du bail ;
Ne bénéficient donc pas de cette mesure, les dirigeants de SA et de SAS et de SASU.
L'étape préalable à la cession du bail
Il se peut que le local se trouve dans un périmètre de sauvegarde du commerce et de l’artisanat de proximité. Il faut donc vérifier sur le site internet de la commune. Si tel est le cas, le locataire doit adresser à la mairie une déclaration préalable de cession, par lettre recommandée avec accusé de réception en 4 exemplaires (formulaire Cerfa n° 13644*02). Ce courrier doit préciser le prix et les conditions de la cession, notamment l’activité du repreneur pressenti.
A la suite de la réception de cette déclaration, la commune dispose d’un délai de 2 mois pour se prononcer. Elle peut décider de préempter ou de ne pas préempter le fonds.
- Si elle exerce son droit de préemption, le fonds devra lui être cédé et le repreneur sera écarté.
- Si elle n’exerce pas son droit de préemption, le locataire peut en principe donner suite à la cession avec le repreneur de son fonds.
La procédure de la cession du bail à un repreneur
Si l’éventuel droit de préemption de la commune est écarté, le locataire qui a demandé à bénéficier de ses droits à la retraite, doit signifier par acte d'huissier, au bailleur et aux créanciers inscrits* sur le fonds de commerce, son intention de céder le bail en précisant la nature des nouvelles activités envisagées et le prix de cession proposé. En revanche, il n'a aucune obligation de mentionner le nom de l'acquéreur.
Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas d’une demande d’autorisation de céder le bail mais seulement d’une information.
Le locataire partant à la retraite devra demander à bénéficier de ses droits à la retraite mais continuera à exploiter le fonds jusqu'à la cession du bail. Jusqu’à la réponse du bailleur et pendant maximum deux mois après la signification de l’acte d’huissier, le locataire doit ainsi respecter toutes les obligations issues du bail. Il doit donc attendre que la cession ait eu lieu pour se radier du RCS.
Si l’acquéreur pressenti prévoie d’exercer d’autres activités que le locataire en place, il faudra toutefois s’assurer que ces nouvelles activités ne soient pas manifestement incompatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble.
* Les créanciers inscrits sont ceux qui ont contracté un nantissement ou qui disposent d’un privilège sur le fonds de commerce, en garantie d’une créance (exemple : banque, partenaire commercial, fournisseur…)
La réponse du bailleur
Le bailleur a trois options :
Le bailleur a trois options :
Il exerce son droit de préemption
Au cours des deux mois qui suivent la signification de l’acte d’huissier au bailleur, ce dernier bénéficie d’une priorité de rachat du droit au bail. S’il le souhaite, il peut donc se substituer au repreneur pressenti mais il devra racheter le droit au bail dans les mêmes conditions que celles qui avaient été négociées entre le locataire (cédant) et le l’acquéreur candidat, notamment en ce qui concerne le prix de la cession.
Il exerce son droit d'opposition
Si le bailleur estime que les nouvelles activités projetées ne sont pas compatibles avec l’immeuble, il peut refuser la cession en invoquant un motif grave et légitime. Il peut aussi faire valoir un manquement aux obligations prévues dans le bail commercial ou le fait qu’il entend réaliser des travaux de reconstruction de l’immeuble à l’expiration de la période triennale en cours (Art. L145-53 Code de commerce).
Il doit alors saisir le Tribunal Judiciaire dans les deux mois qui suivent la signification de l’acte d’huissier envoyé par le locataire.
Le juge aura alors la charge d’apprécier la légitimité des motifs de refus invoqués par le bailleur.
Au cas où le tribunal jugerait l'opposition du bailleur injustifiée, le juge peut autoriser la déspécialisation totale ou partielle et si le bailleur a invoqué des motifs fallacieux, il peut être condamné à verser des dommages et intérêts au locataire en réparation du préjudice causé par l'impossibilité de réaliser la cession.
Il accepte la cession ou garde le silence
Si le bailleur accepte purement et simplement la cession, le locataire peut valablement céder son bail à l’acquéreur.
Si le bailleur ne répond pas dans le délai des deux mois, n’a pas saisi Tribunal Judiciaire dans ce même délai ou refuse la cession passé ce délai, son absence de réponse ou sa réponse tardive valent acceptation de la cession et donc des éventuelles nouvelles activités du repreneur.
Conséquences de la cession-déspécialisation sur le loyer
Le Code de commerce ne règle pas la question de savoir si le bailleur peut demander au nouveau locataire (le repreneur) une indemnité ou une révision du loyer en contrepartie de ce changement d’activité du bail. Ainsi, il existe plusieurs positions :
- Une réponse ministérielle du 1er juillet 1991 et un arrêt de Cour d’Appel (Cour d’Appel de Paris, 29 juin 1989) estiment que le bailleur peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 145-50 du Code de commerce pour demander une indemnité égale au montant du préjudice subi dont il établirait l'existence, ou une révision du loyer. Le bailleur doit alors former sa demande dans le délai de deux mois à compter de la signification.
- Cependant, un autre arrêt de Cour d'appel (Cour d’Appel de Paris, 3 décembre 1991) affirme que la déspécialisation en cas de départ à la retraite ne permet pas au bailleur de modifier le montant du loyer.
En tout état de cause, l'acceptation par le bailleur des nouvelles activités peut constituer un motif de déplafonnement du loyer lors du renouvellement du bail qui aura lieu au profit de l'acquéreur.