Titulaires d’un bail commercial, il vous est précieux de connaître toutes les subtilités contractuelles qui vous lient à votre propriétaire.
Faites relire votre bail afin de mesurer la portée juridique et financière de votre engagement.
A l'issue des 9 ans du bail commercial, le bailleur (propriétaire des murs) peut refuser le renouvellement du bail : soit en délivrant un congé au locataire soit en répondant à la demande de renouvellement de ce dernier. Dans ces deux cas, il est alors tenu, sauf exceptions, de payer une indemnité d'éviction au locataire.
Le congé avec refus de renouvellement doit nécessairement être délivré par acte d'huissier (acte rédigé par un huissier de justice) au locataire.
La loi Pinel (loi n° 2014-626 du 18 juin 2014) avait autorisé le bailleur à délivrer son congé avec refus de renouvellement par lettre recommandée avec accusé de réception mais la loi Macron (loi n° 2015-990 du 6 août 2015) a supprimé cette possibilité en raison de l'insécurité juridique qu'elle générait.
A défaut de respecter cette forme (acte d'huissier), le congé est nul. La nullité étant relative, seul le locataire peut se prévaloir de la nullité d'un congé qui serait délivré par mail, par lettre simple ou par LR/AR.
Il n'est pas nécessaire qu'une clause du bail mentionne l'obligation de délivrer le congé par acte d'huissier, en effet cette dernière s'impose au bailleur dans tous les cas et ce, même si une autre forme a été autorisée dans le bail.
Le congé doit être donné au moins 6 mois avant l'expiration du bail (Art. L145-9 du Code de commerce).
Il s'agit d'un délai minimum et non d'un délai de principe. Par conséquent, un usage ou une clause du bail peut parfaitement prévoir un délai plus long. En revanche, il n'est pas possible d'aménager un préavis plus court.
Si le congé est délivré moins de 6 mois avant l'expiration du bail, il prendra effet après la date d'expiration, autrement dit en période de tacite prolongation, et pour le dernier jour du trimestre civil.
Exception : si le bailleur entend construire, reconstruire, surélever l'immeuble ou exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d'une opération de restauration immobilière, il peut donner congé à son locataire à l'issue de chaque période triennale.
Que le congé soit délivré avec ou sans offre d'indemnité d'éviction, il est obligatoire de reproduire les mentions de l'article L145-9 alinéa 5 du Code de commerce : "le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donnée". Le congé ne mentionnant pas ces informations peut être annulé.
Il a été jugé que le bailleur qui, dans son congé, formulait une offre d'indemnité d'éviction, n'avait pas à motiver son refus de renouvellement (exemple de jurisprudence : Civile 3e, 8 février 2006, n° 04-17.898).
Remarque : l’obligation de mentionner l’offre d’indemnité n’entraîne pas obligation de donner un montant chiffré. L’acte d’huissier peut se contenter d’indiquer, par exemple, que le bailleur offre le paiement d’une indemnité d’éviction dans les conditions de l’article L. 145-14 du Code de commerce pour que le congé soit valable.
Pour en savoir + sur le montant de l'indemnité d'éviction : L'évaluation de l'indemnité d'éviction
Le dernier alinéa de l'article L145-9 dispose que le congé doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné. Cette obligation s'impose si le congé ne contient pas d'offre d'indemnité d'éviction.
Ainsi, le bailleur n'est pas tenu de proposer une indemnité à son locataire pour les raisons suivantes (Art. L145-17 du Code de commerce) :
- Motif grave et légitime à l'encontre du locataire tel que, par exemple : la violation des obligations découlant du bail, le défaut d'immatriculation à l'expiration du bail, la non-exploitation du fonds de commerce pendant les 3 dernières années, des agissements délictueux (violence, menaces envers le bailleur) ...
Pour invoquer l'un de ces motifs pour refuser le renouvellement, le bailleur doit démontrer qu'il avait préalablement envoyé par acte d'huissier une mise en demeure restée infructueuse pendant plus d'1 mois.
Ce sont les juges qui apprécieront ensuite la pertinence des motifs si le locataire entend contester ces derniers. A noter qu'il n'est pas nécessaire que ce motif cause un préjudice au bailleur pour être considéré comme grave et légitime.
- Destruction de l'immeuble (totale ou partielle) où se situe le local en raison de l'insalubrité ou d'un danger.
Si le bailleur refuse le renouvellement du bail, il doit alors payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction, égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Attention, si ce défaut de renouvellement ne cause aucun préjudice au locataire, il n'y a pas lieu de lui verser une indemnité d'éviction (par exemple : cessation de l'exploitation suite à une procédure de liquidation judiciaire).
Cette indemnité d'éviction est composée d'une indemnité principale relative à la valeur du fonds de commerce (indemnité de remplacement ou de transferts de fonds de commerce) et d'indemnité accessoires (frais de déménagement et de réinstallation, droits de mutation pour le rachat d'un droit au bail ailleurs, indemnités de licenciement des salariés...).
Généralement, cette somme est fixée par le Tribunal Judiciaire : soit parce que le locataire conteste le montant proposé par le bailleur, soit parce que le congé ne mentionnait pas de montant précis). Le plus souvent, le juge est assisté par un expert en valeur de fonds de commerce.
Pour en savoir + sur le montant de l'indemnité d'éviction : L'évaluation de l'indemnité d'éviction.
Le locataire est en droit de renoncer au bénéfice de cette indemnité mais sa renonciation doit être non-équivoque pour être valable.
Le locataire qui peut prétendre à une indemnité d’éviction a également le droit de se maintenir dans les lieux jusqu'au paiement de cette dernière (Art. L145-28 du Code de commerce). Mais attentions, cela ne concerne par le locataire qui n'est pas éligible à une telle indemnité.
Pendant la période de maintien dans les lieux, il doit continuer à respecter les conditions contractuelles issues du bail et qui lui incombent, au risque sinon de perdre le bénéfice de l'indemnité d'éviction.
Le non-respect des clauses et conditions du bail par le locataire qui reste en place lui fait perdre le droit au maintien et à l’indemnité d’éviction. Tel est le cas s’il n’est plus immatriculé, par exemple, au Registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.
Le maintien dans les lieux s'effectue aux clauses et conditions du bail expiré, à l'exception du paiement du loyer : en effet, le locataire ne verse plus un loyer mais une "indemnité d'occupation".
Cette indemnité est due à compter de la date d'effet du congé et jusqu'à la libération effective des locaux par le locataire.
A défaut d'accord entre le bailleur et le locataire , l'indemnité est fixée par un juge.
Son montant correspond en principe à la valeur locative, il se peut donc qu'elle soit supérieure au loyer payé jusque là. Toutefois, ce montant est généralement minoré en raison de la précarité de l'occupation des locaux : on parle d'abattement de précarité (entre 10% et 50%). La valeur de ce dernier est laissée à l'appréciation souveraine du juge.
L'action en fixation de l'indemnité est soumise à une prescription de 2 ans à compter de la date du congé.
Remarque : sauf clause contraire du bail, le locataire peut choisir de ne pas rester dans les lieux, sans pour autant perdre son droit à indemnité. Dans ce cas, il doit restituer les locaux et rendre les clefs au propriétaire. Il n’est plus tenu par les clauses du bail et n’a pas à verser d’indemnité d’occupation.
Le défaut de paiement de l’indemnité d’occupation peut être sanctionné par la résiliation du bail et la déchéance du droit à l’indemnité d’éviction.
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