Attention : l'entreprise ne doit pas être en cessation des paiements si elle souhaite bénéficier d'une procédure de sauvegarde.
La procédure de sauvegarde s'adresse :
- à toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale, personne physique ou morale (par exemple, SAS ou SARL) ;
- aux autres personnes morales de droit privé (une association, par exemple) ;
- à micro-entrepreneur.
La procédure de sauvegarde peut être ouverte sur demande du débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter seul.
Ces difficultés peuvent être d'ordre juridique, social, économique ou financier.
Seul le représentant légal (par exemple, dirigeant de société) de la personne morale ou le débiteur personne physique peut demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.
La demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde doit être déposée en six exemplaires auprès du greffe du tribunal compétent localement ce qui correspond au siège social.
Elle comprend plusieurs intercalaires relatifs :
- à la nature des difficultés rencontrées par l'entreprise ;
- aux raisons pour lesquelles elle n'est pas en mesure de les surmonter ;
- aux perspectives de redressement.
Elle doit être datée et signée par le déclarant qui certifie sincères et véritables les renseignements indiqués.
Un certain nombre de pièces doivent être jointes à la demande.
Pour en prendre connaissance, il convient de contacter le greffe du tribunal de commerce.
Remarque : si l'un de ces documents ne peut être fourni ou ne peut l'être que de manière partielle, la demande doit indiquer les raisons qui empêchent cette production.
Pour Paris, une provision de 300 euros est demandée au débiteur au moment du dépôt de la déclaration au greffe. Elle englobe les premiers frais engagés qui sont à la charge du débiteur (insertions au BODACC et dans les journaux d'annonces légales, frais de jugement et de signification, etc.).
Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure après avoir entendu le débiteur (ou le dirigeant de la société) et les représentants du comité social et économique ou, à défaut, les délégués du personnel.
Il peut également entendre toute personne dont l'audition lui paraît utile ou charger un juge de recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise.
Ce juge peut lui-même se faire assister d'un expert de son choix.
Le tribunal rend un jugement d'ouverture dans lequel il désigne le juge-commissaire mais aussi deux mandataires de justice :
- un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ;
- un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l'assister dans ses actes de gestion et dans la préparation d'un plan de sauvegarde.
Remarque : toutefois, la désignation d'un administrateur judiciaire est facultative lorsque la procédure est ouverte à l'égard d'une entreprise dont le nombre de salariés est inférieur à vingt et le chiffre d'affaires hors taxe à 3 millions d'euros.
Le débiteur a désormais la possibilité de proposer le nom d'un administrateur judiciaire à la désignation du tribunal.
Le jugement est ensuite notifié au débiteur par le greffier dans les huit jours de la date du jugement qui en adresse également copie à :
- l'administrateur et au mandataire judiciaires désignés ;
- au procureur de la République ;
- au trésorier-payeur général du département dans lequel le débiteur a son siège et, en cas de pluralité d'établissements, à celui du département où se trouve le principal établissement.
Le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné au registre du commerce et des sociétés.
Le greffier procède d'office aux formalités de publicité dans les quinze jours de la date du jugement (BODACC, avis de parution dans un journal d'annonces légales).
La procédure de sauvegarde commence par une période d'observation d'une durée maximale de six mois, renouvelable une fois.
Elle peut aussi être exceptionnellement prolongée de six mois, à la demande du procureur de la République.
Pendant cette période, l'administration de l'entreprise est assurée par son dirigeant, éventuellement assisté d'un administrateur judiciaire.
Si le débiteur en fait la demande, le tribunal désigne un commissaire-priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier assermenté pour réaliser l'inventaire.
Dans le cas contraire, le débiteur établit lui-même l'inventaire qui doit être certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable.
Le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, de ses dettes et des principaux contrats en cours.
Il les informe également des instances éventuelles en cours.
Lorsque les difficultés qui ont justifié l'ouverture de la procédure de sauvegarde ont disparu, le tribunal y met fin, à la demande du débiteur.
S'il s'avère en cours de période d'observation que l'entreprise est en état de cessation des paiements, le Tribunal peut décier de la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire selon les circonstances.
Par ailleurs, si l'adoption d'un plan de sauvegarde est manifestement impossible et si la clôture de la procédure conduirait, de manière certaine et à bref délai, à la cessation des paiements, la procédure de sauvegarde peut également être convertie en redressement judiciaire.
L'administrateur établit le bilan économique et social de l'entreprise qui précise l'origine, l'importance et la nature des difficultés de l'entreprise, dresse un bilan de la masse active et passive, des contrats, du nombre de salariés.
Au vu du bilan économique et social et le cas échéant, environnemental, le débiteur avec le concours de l'administrateur propose un plan.
Le mandataire judiciaire dresse la liste des créances déclarées qu'il transmet au juge-commissaire et procède à la vérification du passif.
Les effets consécutifs à la procédure de sauvegarde
Dans la procédure de sauvegarde, l'entreprise n'est pas à vendre.
Par principe, tous les contrats en cours sont poursuivis, en dépit d’éventuelles inexécutions antérieures, parce qu’ils sont nécessaires au maintien de l'activité de l'entreprise.
Toutefois, certains contrats peuvent être de nature à aggraver la situation déjà fragile de l'entreprise.
L'administrateur a seul la faculté de se prononcer sur la poursuite ou non des contrats en cours.
S’il se prononce en faveur de l’exécution du contrat, il s’assure, au vu des documents prévisionnels dont il dispose, au moment de sa demande, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant.
Le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat, adressée par le cocontractant à l'administrateur, et restée plus d'un mois sans réponse.
Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer.
Le contrat est également résilié à défaut de paiement et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles.
A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.
Lorsque le contrat est poursuivi, chacune des parties doit en exécuter les obligations.
Remarque : quant au bail commercial, il obéit à un régime particulier. Le bailleur ne pourra agir en résiliation du bail pour non-paiement de loyers et charges postérieurs à l'ouverture de la procédure qu'à l'issue d'un délai de 3 mois suivant le jugement d'ouverture.
Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture (sauf compensation de créances connexes).
Les créances postérieures au jugement d'ouverture, régulières et utiles, c’est-à-dire nées pour les besoins de la procédure, de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
Les autres créances nées après le jugement d'ouverture, irrégulières ou non méritantes doivent être déclarées au passif de la procédure.
Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement.
Il en est de même pour les procédures d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles.
Arrêt du cours des intérêts
Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.
Sort du débiteur
Pendant toute la durée de la procédure, le dirigeant n'est jamais dessaisi de la gestion de l'entreprise.
L'administrateur, quand il y en a un, n'exerce qu'une mission de surveillance ou d'assistance.
L'arrêt du plan par le tribunal entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d'émettre des chèques conformément à l'article L. 131-73 du Code monétaire et financier, mise en oeuvre à l'occasion du rejet d'un chèque émis avant le jugement d'ouverture de la procédure.
Les créanciers (à l'exception des salariés) dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture ont deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au BODACC pour procéder à la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire, (Pour plus de détails, se reporter à la fiche sur la déclaration de créances).
Remarque : les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts.
Créances postérieures au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde
Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance.
A défaut, elles bénéficient d’une priorité de paiement dans le rang des paiements. Les créanciers sont désintéressés avant toutes les autres créances à l'exception du superprivilège des salaires, des frais de justice et du privilège de la conciliation (voir fiche La conciliation).
Les créanciers sont consultés sur les propositions du plan (remises et délais) soit individuellement, soit après avoir été réunis en comités de créanciers.
Les créanciers sont réunis en comités de créanciers lorsque :
- d’une part, les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et ;
- d’autre part, soit lorsque le nombre de salariés de l'entreprise est supérieur à 150 , soit lorsque le chiffre d'affaires est supérieur à 20 millions d'euros.
En dehors de ces cas, la constitution des comités de créanciers est facultative.
L'administrateur judiciaire réunit les établissements de crédit et les établissements assimilés et les principaux fournisseurs de biens ou de services en deux comités dans un délai de trente jours à compter du jugement d'ouverture.
Chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des principaux fournisseurs dès lors que ses créances représentent plus de 3 % du total des créances des fournisseurs.
Les autres fournisseurs peuvent en être membres sur sollicitation de l'administrateur.
Une assemblée générale des obligataires peut également être réunie et consultée sur le projet de plan.
Les comités sont appelés à voter sur le projet de plan à la majorité des 2/3 du montant total des créances.
Si le plan est approuvé par la majorité des créanciers, et après s'être assuré que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés, le tribunal homologue le plan de sauvegarde par jugement.
Remarque : l'administration fiscale, les organismes de sécurité sociale et l'Unédic sont également associés aux efforts consentis pour sauver l'entreprise et peuvent, dans ce cadre, accepter de remettre tout ou partie des dettes du débiteur.
Article L. 626-6 du Code de commerce.
Le plan de sauvegarde
Le plan est adopté par le tribunal. Il indique d'abord les mesures économiques de réorganisation de l'entreprise qui peut comporter l'arrêt, l'adjonction ou la cession d'une ou plusieurs activités.
Le plan de sauvegarde prévoit les modalités de règlement des dettes, déduction faite des délais et remises consentis par les créanciers.
Lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête un plan qui met fin à la période d'observation.
Durée du plan de sauvegarde
La durée du plan de sauvegarde ne peut excéder dix ans.
Pour les entreprises agricoles, elle ne peut excéder 15 ans (Loi n°2019-486 du 22 mai 2019).
Exécution du plan de sauvegarde
Le tribunal nomme l'administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l'exécution du plan.
Si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution.
Lorsque les échéances du plan ont été intégralement payées, le tribunal constate la bonne exécution du plan, à la demande du commissaire chargé de l'exécution du plan, du débiteur ou de tout intéressé.
Sauvegarde accélérée et sauvegarde financière accélérée
Deux variantes de la procédure de sauvegarde ont été introduites par d’une part, la loi de régulation bancaire et financière du 22 octobre 2010 pour la sauvegarde financière accélérée et d’autre part, l’ordonnance du 12 mars 2014 pour la sauvegarde accélérée.
Ces procédures ne peuvent être demandées que par un débiteur engagé dans une procédure de conciliation si ce dernier a élaboré un projet de plan susceptible d’assurer la pérennité de l’entreprise.
Ce projet de plan sera soumis au vote des comités de créanciers.
Conditions d’ouverture
Réservées aux entreprises de taille importantes, ces procédures ne peuvent être ouvertes qu’à l’égard d’un débiteur dont les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et qui répond à deux des conditions suivantes :
- le nombre des salariés est supérieur à 20 ;
- le CA est supérieur à 3 millions d’euros à la clôture du dernier exercice social ;
- ou le total bilan est supérieur à 1,5 millions d’euros à la clôture du dernier exercice social.
La procédure peut être également ouverte à l’égard d’une société qui a établi des comptes consolidés.
A l’instar de la sauvegarde financière accélérée, cette procédure ne peut être ouverte qu’au profit d’un débiteur déjà engagé dans une procédure de conciliation, l’accès direct à la sauvegarde accélérée n’étant pas possible.
Enfin, cette procédure suppose que le débiteur ne soit pas en cessation des paiements depuis plus de 45 jours (voir conditions d’ouverture de la conciliation).
Effet de la procédure
La procédure permet au débiteur de faire homologuer dans des délais très courts un projet de plan négocié avec ses principaux créanciers (financiers et fournisseurs pour la sauvegarde accélérée et uniquement financiers pour la sauvegarde financière accélérée) dans le cadre d’une procédure de conciliation préalable.
La durée d’élaboration de ce plan est limitée à 3 mois, prorogeable 1 mois pour la sauvegarde accélérée et à 1 mois prorogeable 1 mois pour la sauvegarde financière accélérée.
Le plan produit ses effets à l’égard de tous les créanciers antérieurs dans le cadre de la sauvegarde accélérée et uniquement à l’égard des créanciers financiers dans le cadre de la sauvegarde financière accélérée.
A défaut de plan de sauvegarde adopté dans ces délais, le Tribunal met fin à la procédure.
A noter, pour la sauvegarde financière accélérée cette procédure s’applique surtout à des entreprises qui n’ont pas de grosses difficultés de fonctionnement mais qui se sont fortement endettées auprès de leurs créanciers financiers.
Le projet de plan élaboré doit réunir un soutien suffisant de la part des créanciers financiers, c’est-à-dire les créanciers bancaires et assimilés, réunis dans un « comité des établissements de crédits ».
Pour l’une et l’autre de ces variantes de la sauvegarde de droit commun, il s’agit de trouver une issue à une procédure de conciliation qui aurait échoué à cause du refus de quelques créanciers de prendre part à l’accord de conciliation.