
Bénéficiez de l'éclairage de juristes expérimentés pour négocier votre bail commercial : lecture des clauses, calcul et montant du loyer, répartition des charges et travaux, modalités de renouvellement et de résiliation ou de cession de bail.
La crise Covid-19 qui a entraîné la fermeture de certains commerces pendant le confinement peut inciter les locataires qui éprouvent des difficultés pour payer leur loyer et charge à demander des délais de paiement.
Avant tout contentieux, il est recommandé au locataire de prendre contact avec son bailleur pour l’informer de ces difficultés financières et convenir à l’amiable avec lui de délais de paiement.
Cependant le bailleur peut refuser de négocier et vouloir être payé. Il peut utiliser l’une des deux voies judiciaires suivantes :
Premier temps : le bailleur constatant que son loyer et/ou les charges sont impayés fait délivrer aulocataire par huissier un commandement de payer visant la clause résolutoire présente dans le bail. Le locataire a alors un délai d’un mois pour régler les loyers impayés. Ce délai est compté à partir de la date de signification de l’acte d’huissier. Passé ce délai, l’acquisition de la clause résolutoire est automatique. Le locataire risque alors de voir son bail résilié.
Le bailleur peut alors engager une procédure en justice afin d’obtenir l’expulsion du locataire .
Deuxième temps : Le bailleur assigne alors en référé son locataire afin de solliciter du juge la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion du locataire du local commercial.
L’assignation du locataire se fait alors devant le Président du Tribunal Judiciaire, sous la forme des référés.
Le locataire peut solliciter du juge des délais de règlements, qui n’auront pas pour objectif de remettre en cause l’acquisition de la clause résolutoire, mais d’en suspendre les effets.
Le juge exigera du locataire le respect de l’échelonnement proposé et cela sera la condition de la suspension de la clause résolutoire.
Pour autant, il ne suffit pas de se présenter devant le juge des référés, de solliciter, des délais de paiement pour obtenir la suspension de la clause résolutoire. Le débiteur doit présenter au juge un dossier démontrant que ses conditions d’octroi sont remplies.
La suspension de la clause résolutoire et l’obtention de délais de paiement résultent de la combinaison de l’article L. 145-41 du Code de commerce et de l’article 1343-5 du Code civil.
L’article L. 145-41 du Code de commerce est spécifique aux baux commerciaux, il rappelle que le locataire peut obtenir la suspension de la clause résolutoire et des délais de paiement dans les formes et conditions fixées à l’article à l’article 1343-5 du Code civil. Ce dernier texte est un texte d’application générale qui régit les relations entre débiteur et créancier quel que soit la nature du contrat qui les lie.
En application de l’article 1343-5 du code civil, les délais maximum de paiement peuvent être fixés à 24 mois, soit 2 ans.
Ce délai est un délai maximum, le juge peut en effet accorder un délai inférieur au locataire pour acquitter ses dettes auprès du bailleur.
Il ressort des articles 1343-5 du Code civil et 510 du Code de procédure civile que lorsque le juge octroie au débiteur un délai de grâce il doit spécialement motiver sa décision.
Une simple opposition au commandement de payer ne suffit pas, le locataire doit expressément demander au juge des délais de paiement. Cependant, le locataire peut effectuer sa demande après le délai d’un mois prévu par le commandement et même pour la première fois en appel.
Cette demande n’est recevable que lorsque la résiliation du bail n'a pas été prononcée ou constatée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.
Une décision de justice est considérée comme ayant "force de chose jugée", lorsqu’elle n’est susceptible d'aucune voie de recours ordinaire (notamment appel), ou qui ne l'est plus parce que les recours ont été épuisés ou bien parce que les délais pour les exercer sont expirés.
On dit alors qu’un jugement qu'il a acquis force de chose jugée ou qu'il est passé en force de chose jugée.
Seul un juge peut suspendre l’acquisition de la clause résolutoire. La Cour de cassation a rappelé ce principe dans un arrêt de 2011 "le juge ne peut suspendre les effets de la clause résolutoire et dire que la clause n'a pas joué, au seul motif que la locataire se trouvait à jour de ses loyers… " (Cass. 3e civ., 4 mai 2011, n° 10-16.939).
La demande de délais de paiement est donc nécessaire même si le locataire a exécuté ses obligations dès lors qu'il ne l'a pas fait dans le délai d'un mois imparti par le commandement.
Conformément l’article 1343-5 du Code civil, les délais de paiement peuvent être accordés compte tenu à la fois "de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier".
Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier d’une situation financière obérée qui résulte des circonstances indépendantes de sa volonté. La crise du Covid 19 qui a entraîné la fermeture d’un certain nombre de commerces correspond bien à l’exigence du texte.
Par ailleurs, ce texte renvoie à la notion de bonne foi. La "bonne foi" du locataire est sa croyance de se trouver dans une situation conforme au droit, et sa conscience d'agir sans léser les droits de son bailleur. Ce qui est le cas, lorsque le locataire a mis tout en œuvre pour remplir ses obligations à l’égard du bailleur.
En pratique le locataire débiteur devra faire la preuve de sa bonne foi et de ses difficultés financières en expliquant pourquoi il n’a pas pu payer son loyer. La fermeture obligatoire de son commerce pendant la période peut constituer ce justificatif.
La demande de délais n’est nullement conditionnée à la seule existence d'une situation économique catastrophique pour le débiteur, mais relève du pouvoir discrétionnaire du juge (CA Lyon, 8e ch., 13 sept. 2011, n° 10/03484 : JurisData n° 2011-024415).
Cependant, les juges peuvent refuser la demande de délais lorsqu’il y a aggravation constante de la dette du débiteur sans que ce dernier ne puisse établir qu'il sera en mesure de l'apurer dans le délai sollicité.
Ils peuvent aussi refuser les délais de paiement lorsqu’il y a une situation de cessation de paiement du débiteur qui se trouve devant l’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible. Ce qui est notamment le cas lorsque le débiteur subit des voies d’exécution sur ses biens par d’autres créanciers.
L’article 1343-5 du Code civil rappelle au juge qu’il ne doit pas uniquement examiner la situation du locataire débiteur. Il doit également tenir compte de la situation du bailleur créancier qui peut également voir sa situation financière fragilisée à cause du défaut de paiement des loyers.
La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
Ce dernier peut être tenu vis-à-vis de ses propres créanciers (pension alimentaire, crédit bancaire, …). En effet, si le bailleur se trouve dans une pareille situation, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement. Il en ira tout autrement dans le cas d’un bailleur ayant d’importants revenus locatifs.
Enfin, les juges peuvent refuser les délais de paiement s’il s’avère que le débiteur a cessé son activité et n’apporte aucune garantie que l’échéancier proposé sera tenu.
Par ailleurs, le juge peut prescrire que les sommes dues porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal (C. civ., art. 1343-5 alinéa 2).
Le défaut de paiement par le débiteur à l’une des échéances prévue par le plan, entraîne l'acquisition définitive de la clause résolutoire.
Si les loyers à échoir postérieurement ne sont pas visés par l'ordonnance qui a fixé l’échéancier, leur non-paiement par le débiteur ne peut entraîner la résiliation sur le fondement de la clause résolutoire qu'après signification d'un nouveau commandement de payer.
Cependant, il n’est pas interdit au locataire de demander de nouveaux délais de paiement. Le juge peut accepter ce nouvel échelonnement des loyers, à condition que le locataire règle les arriérés sur 2 ans maximum. La clause résolutoire est alors à nouveau suspendue.
Si le juge refuse la deuxième demande d’échelonnement, il peut établir une ordonnance d’expulsion condamnant le locataire à régler les arriérés de loyers et les frais de justice.
La situation liée au Covid-19 a entrainé la fermeture de certains commerces. Le gouvernement a pris des dispositions qui visent à empêcher les bailleurs de mettre en application la clause résolutoire. Cette disposition a expressément visé la période du confinement. Ainsi l’ordonnance n°2020-316 du 25 mai 2020 permet au locataire de ne pas encourir de sanctions (pénalités financières, résiliation du bail, activations de garantie…) en raison du défaut de paiement des loyers et charges. La fin de la période de confinement autorise le bailleur à exiger le paiement des loyers et des charges. Le locataire peut alors demander des délais de paiement. Il convient de vérifier si la deuxième période de confinement n’entraine pas la suspension des procédures contre le locataire concerné.
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