Comment l’entreprise peut réagir face à l’abandon de poste ? L’abandon de poste sans justification par un salarié est un comportement fautif du salarié qui jusqu’à présent pouvait justifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement (même si cela n’est nullement une obligation) et ainsi permettre au salarié d’être indemnisé par l’assurance chômage.
Certains salariés pouvaient préférer opter pour l’abandon de poste plutôt que démissionner car en principe le salarié démissionnaire (sauf motif légitime) ne perçoit pas d’allocation chômage.
Désormais, la loi du 21 décembre 2022 portant sur les mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, dite aussi loi "plein emploi", loi "marché du travail" ou "nouvelle réforme chômage" votée par le Parlement et validée par le Conseil constitutionnel, assimile l'abandon de poste à une démission.
L’assimilation de l'abandon de poste à une démission (et donc l'exclusion des droits à l'assurance chômage) a été définitivement adoptée par un décret paru le mardi 18 avril au Journal officiel.
Un collaborateur qui abandonne son poste de travail et qui n’a pas repris ce dernier dans le délai fixé par son employeur (deux semaines minimum) après une première mise en demeure sera désormais, sauf cas particulier, présumé démissionnaire. Par conséquent, ce nouveau statut le privera de l’assurance-chômage.
Afin d’enclencher la procédure de présomption de démission, l’employeur doit envoyer en courrier recommandé une mise en demeure de justifier son absence et de regagner son poste (une lettre remise en main propre contre récépissé à la même valeur).
Si l’employé ne reprend pas le travail dans un délai de 15 jours au minimum, il est maintenant considéré comme démissionnaire.
Notons cependant que si le salarié quitte volontairement son poste pour un motif “légitime”, il est en mesure de contester la présomption de démission auprès de son employeur. Ainsi lorsque le salarié quitte son poste de travail sans autorisation de l'employeur pour consulter un médecin justifié par son état de santé, pour faire face au décès d'un proche ou pour exercer son droit de retrait, le salarié est en mesure de contester un abandon de poste.
Par ailleurs, il est également possible de contester cette présomption de démission devant le conseil des prud’hommes sans motif légitime. En effet, la loi sur l’assurance chômage a créé une procédure accélérée, d’un délai d’un mois, permettant au salarié de renverser la présomption de démission aux prud’hommes.
Nb : il est important de noter que le principe selon lequel la démission ne se présume pas est ici remis en cause. Pour rappel, la volonté de démissionner doit être émise de façon claire et non équivoque. Ainsi, l'abandon de poste devient, en quelque sorte, l'exception à ce principe.
L’objectif de cette nouvelle règle en droit du travail est d’éviter des perturbations dans l’entreprise résultant des abandons de poste qui sont devenus une pratique relativement courante.
Selon une étude publiée en février par la Dares (le service statistique du ministère du travail) les abandons de poste étaient au premier semestre de 2022 le premier motif (71 %) de licenciement pour faute grave ou lourde devant les autres causes disciplinaires (27 %).
Pour nuancer ces chiffres, soulignons que ces abandons de poste ne représentent que 5 % des fins de CDI, loin derrière les démissions (43 %), les ruptures conventionnelles (12 %), les fins de périodes d’essai (12 %).
D'autres alternatives sont également possibles, telles que la rupture conventionnelle, qui permet au salarié et à l'employeur de convenir de manière amiable de la rupture du contrat de travail. La démission pour une reconversion professionnelle, soumise à certaines conditions (être en CDI, avoir travaillé au moins 1 300 jours dans les 60 derniers mois, avoir un projet de reconversion professionnelle bien préparé et reconnu comme étant réel et sérieux) permet au salarié de démissionner tout en conservant ses droits au chômage. Enfin, il est possible de démissionner pour 17 motifs dits "légitimes", tels que le mariage ou le Pacs associé à un changement de résidence, ou le changement d'emploi lié à un changement de résidence du conjoint ou de la conjointe.
Compte tenu de la nouveauté de cette procédure, il semble intéressant de nous pencher sur plusieurs points soulevés par l’Etat dans une série de questions-réponses misent en ligne le 18 avril dernier :
- Dans le cas où un salarié a abandonné volontairement son poste, l’employeur a 2 choix qui s’offrent à lui. Conserver le salarié dans ses effectifs et ne pas rompre le contrat de travail (sans rémunération pour le collaborateur qui ne se présente pas sur son poste). Ou a contrario, mettre en œuvre la procédure de mise en demeure et de présomption de démission, car il n’y a plus de raison d’engager une procédure de licenciement pour faute.
- L’employeur est dans l’obligation de préciser dans sa mise en demeure le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste et doit recueillir la raison de l’absence du salarié afin de justifier cette dernière.
- Le délai donné au salarié pour reprendre son poste ne doit pas être inférieur à 15 jours calendaires à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la lettre contre remise en main propre.
- L’employeur a la possibilité de préciser dans la mise en demeure les conséquences du refus du salarié de reprendre son poste : ainsi, ledit salarié sera considéré comme démissionnaire et n’aura pas droit aux allocations de l’assurance chômage.
- Il est recommandé à l’employeur, à l’instar de l’ensemble des procédures disciplinaires, de mettre en demeure son salarié par lettre recommandée avec accusé de réception, afin d’éviter au maximum toute contestation sur la date de présentation de la mise en demeure.
- Précisons que dans le cas où le salarié répond à la mise en demeure de son employeur et justifie son absence sur son poste de travail par un motif légitime, alors la procédure engagée ne peut être conduite à son terme. Par ailleurs, soulignons que si le salarié est gréviste au sens de l’article L. 2511-1 du code du travail, alors le mécanisme de présomption de démission ne doit pas s’appliquer.
- Enfin, si le salarié ne donne aucune réponse à la mise en demeure et ne reprend pas son poste de travail, il sera en conséquence présumé démissionnaire. La démission du salarié sera constatée à la date de reprise du travail fixée par l’employeur dans son courrier de mise en demeure. Dès lors, les règles de droit commun s’agissant du préavis en cas de démission s’appliquent. Aussi, nous pouvons parier que dans le cas d’un salarié en abandon de poste, ce dernier refusera d’exécuter son préavis. L’employeur n’aura donc aucune indemnité compensatrice à verser au salarié.
- Si le salarié n’a pas répondu à la mise en demeure de l’employeur l’enjoignant de reprendre son poste ou qu’il a répondu par la négative à cette mise en demeure, il est présumé démissionnaire. Dès lors, les règles de droit commun s’agissant du préavis en cas de démission s’appliquent.
- Le préavis de démission peut également ne pas être exécuté si l’employeur dispense son salarié d’exécuter son préavis, en échange, ce dernier perçoit une indemnité compensatrice correspondant aux salaires qu’il aurait perçus s’il avait pu exécuter son préavis. Par ailleurs, l’employeur et le salarié peuvent se mettre d’accord pour que le préavis ne soit pas exécuté, ne donnant lieu à aucune indemnité compensatrice.
- Dans tous les cas, les congés payés générés mais non-pris par le salarié doivent faire l’objet d’une indemnité compensatrice dont le montant est mentionné sur le reçu du solde de tout compte, peu importe si le salarié a effectué son préavis ou non.
En conclusion, depuis le décret du 17 avril 2023, le salarié parti volontairement sans justification est donc présumé démissionnaire, s’il ne reprend pas le travail dans les quinze jours qui suivent la réception de la mise en demeure envoyée par l’employeur, sans avoir de motif légitime. Ainsi, le départ volontaire du collaborateur le prive en conséquence de droits aux allocations de chômage.