L’entretien professionnel en 10 questions
Fiche pratique

Nicolas MATHIEU, Chargé de projet appui aux entreprises - CCI Paris

L'entretien professionnel est un rendez-vous important entre salarié et employeur. Voyons en quoi celui-ci consiste et comment la crise sanitaire a modifié certaines modalités de sa mise en œuvre.

Quel est le principe de l’entretien professionnel ?

Selon l’article L6315-1 du Code du travail, il est pour le salarié un entretien "consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi". L’ANI du 14 décembre 2013 ajoute que cet entretien lui permet d’être "acteur de son évolution professionnelle".

Il s’agit d’un temps d’échange entre salarié et employeur permettant de prendre en compte les aspirations des collaborateurs et d’étudier leurs perspectives d’évolutions professionnelles. Il permet également d’établir les projets et les besoins de formation. Il a donc pour objet de confronter les aspirations professionnelles du salarié et les besoins de l’entreprise. Il permet aussi d’identifier le niveau d’employabilité des salariés.

Plus qu’un entretien obligatoire, c’est un rendez-vous entre le salarié et son entreprise. Un exercice qui, pour être constructif, se prépare en amont et nécessite l’implication de tous ses acteurs. Il ne doit pas symboliser une contrainte pour les employeurs, mais plutôt représenter une opportunité, par l’échange et la formation professionnelle, de développer la compétitivité de l’entreprise.

Quelles sont les entreprises et les salariés concernés ?

Toutes celles relevant du Code du travail, sans notion d’effectifs ou de secteur d’activité. Tous les salariés sont concernés quel que soit leur contrat de travail (CDI, CDD, Alternants…) ou leur temps de travail (temps plein, temps partiel…). En sont exclus les salariés mis à disposition des entreprises d’accueil, sous-traitants ou encore intérimaires.

Quelle est sa fréquence ?

L’entretien professionnel a lieu tous les 2 ans. La périodicité s’apprécie date à date. Les deux ans se décomptent donc à partir de la date d’entrée dans l’entreprise du salarié, puis de la date de l’entretien précédent.

Y a-t-il d’autres situations où l’organisation d’un entretien professionnel est obligatoire ?

Oui, l’article L6315-1 du Code du travail prévoit que l’entretien professionnel soit également réalisé suite à différents congés ou absences et ce même si le salarié a bénéficié d’un entretien professionnel dans les deux ans : congé de maternité, longue maladie, congé parental d’éducation…

Quels sont les sujets obligatoirement abordés au cours de l’entretien ?

L’entretien doit comporter des informations relatives à :

  • l’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualification et d’emploi ;
  • les questions relatives au suivi des actions de formation, de certification et de progression salariale ou professionnelle du salarié ;
  • l’évaluation de son employabilité ;
  • la réflexion sur l’avenir du salarié, le poste occupé et son projet professionnel ;
  • la validation des acquis de l’expérience (VAE) ;
  • le compte personnel de formation (CPF) ;
  • son possible abondement par l’employeur ;
  • l’existence de conseils en évolution professionnelle (CEP) gratuits, dispensés par des opérateurs du CEP.

Un entretien d’évaluation ?

L’article 6315-1 du Code du travail explique clairement que cet entretien "ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié", ce n’est donc pas un entretien d’évaluation !

Attention à ne pas juger la performance du salarié pendant l’entretien professionnel. Bien que certains enjeux recoupent ces deux types d’entretiens, il faut que la finalité de l’entretien professionnel telle qu’expliquée précédemment soit respectée. Il est d’ailleurs préconisé de ne pas faire ces entretiens en même temps, s’ils sont fait le même jour il est judicieux de faire deux comptes rendus écrits distincts, de marquer un temps de pause, de faire deux points différents dans l’agenda… En pratique il est donc préférable de les organiser à des dates et périodes de l’année différentes.

Que se passe-t-il si le salarié refuse de l’effectuer ?

Le salarié peut refuser d’effectuer son entretien professionnel. Dans ce cas, il est préférable de prendre acte de ce refus par écrit.

L’employeur, responsable de sa mise en œuvre, doit pouvoir apporter la preuve qu’il a rempli ses obligations. Il est donc préférable d’être en mesure de justifier qu’il l’a organisé (convocation, mail etc…) et qu’il a tout mis en œuvre pour qu’il ait lieu (nouvelle convocation du salarié en cas d’absence, échanges avec ce dernier afin de comprendre les motivations d’un tel refus…).

L’employeur peut alors décider de prendre acte de ce refus : un courrier remis contre décharge ou en envoi recommandé avec accusé de réception permettra de justifier la non-tenue de l’entretien et d’éviter d’éventuelles sanctions ou contentieux.

Un bilan à 6 ans ?

L’article L6315-1 du Code du travail a également prévu une obligation pour l’employeur d’effectuer un  "état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié", tous les 6 ans, soit tous les 3 entretiens professionnels. Cet état des lieux permet de vérifier que le salarié a effectivement bénéficié des entretiens professionnels prévus au cours des 6 dernières années et que ceux-ci aient permis l’évolution du salarié. Il doit être rédigé et consigné au même titre que les entretiens professionnels.

La crise sanitaire a-t-elle eu un impact sur le déroulement des entretiens professionnels ?

La crise sanitaire a eu un impact sur la réalisation des entretiens professionnels. Plusieurs ordonnances et communications sont venues en aménager les contours.

Comme l’explique le Question Réponse du Gouvernement,  les entretiens professionnels intervenant au cours de l'année 2020 pourront avoir lieu jusqu'au 30 juin 2021. Quant aux bilans à 6 ans qui n’ont pas pu avoir lieu avant le 30 juin 2021, l’employeur a jusqu’au 30 septembre 2021 pour les effectuer.

En principe, le CPF du salarié est abondé lorsqu’au cours d’une période de 6 ans, ce dernier n’a pas bénéficié des entretiens professionnels prévus et d’au moins une formation autre qu’une formation obligatoire. Toutefois le législateur a introduit une période transitoire pour l’application de cette règle. Cette période transitoire, prévue jusqu’au 31 décembre 2020 a été étendue au 30 septembre 2021, il existe deux possibilités pour les employeurs de justifier de leurs obligations :

  • soit ils appliquent la règle issue de la loi du 5 septembre 2018, en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et d’au moins une formation autre qu’une formation "obligatoire",
  • soit ils appliquent la règle issue de la loi du 5 mars 2014, en démontrant que le salarié a bénéficié des entretiens professionnels tous les deux ans et au moins de deux des trois mesures suivantes : formation, acquisition d’éléments de certification et de progression salariale ou professionnelle.

Quelles sanctions sont prévues à défaut de réalisation des entretiens ?

Pour les entreprises d'au moins 50 salariés si le salarié n'a pas bénéficié les 6 dernières années des entretiens professionnels prévus et d’une action de formation, l'employeur doit abonder le CPF du salarié de 3.000 €. En principe si l’employeur constate une défaillance, il est tenu de procéder spontanément au versement de l’abondement correctif. Le contrôle peut être réalisé par les agents des DREETS, les inspecteurs du travail et les agents chargés du contrôle de la formation. Le 21 juin 2021, le Ministère du Travail a fait savoir que les dispositions qui prévoient un abondement correctif du CPF du salarié, si celui-ci n'a pas bénéficié des obligations prévues, sont suspendues jusqu’au 30 septembre 2021 et s’appliqueront à nouveau à partir du 1er octobre 2021.
 

Attention : pour les entreprises de moins de 50 salariés, ne pas effectuer les entretiens professionnels n’est pas directement sanctionné, mais cela ne contribue pas à respecter l’obligation légale de veiller au maintien de l’employabilité des salariés : il peut donc y avoir un risque de contentieux et d’indemnisation.


Parole d'expert :
Nicolas MATHIEU - Charge de projet appui aux entreprises
CCI Paris

Mis à jour le 25/06/2021
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