Le « job crafting », un concept gagnant-gagnant pour le salarié et l’entreprise
Témoignage

Parole d'expert : Fanny Denis, Chargée de projets RH - CCI Versailles Yvelines

Loin d’être une nouvelle tendance, le « job crafting » - qu’on peut traduire par « la manière de remodeler son travail », est un concept créé par des psychologues américains vers la fin des années 1990. L’idée principale d’Amy Wrzesniewski et Jane Dutton est que tout salarié peut apporter des changements dans son travail, en dépassant les limites fixées par l’entreprise ou la fiche de poste.

Lorsque l’entreprise recrute un salarié, elle se base sur un descriptif de poste qui en définit la mission, les tâches et la place dans l’organisation. L’individu qui est recruté intègre le poste et, par ses motivations, aspirations, croyances, valeurs, va en remodeler les contours.

Cela se traduit par des adaptations sur une ou plusieurs dimensions :

  • « Task crafting » : le salarié remodèle les tâches liées à son travail, en en délaissant certaines ou en passant moins de temps dessus, ou en ajoutant d’autres. Il ajuste le temps et les efforts passés sur la tâche ;
  • « Relationnal crafting » : le salarié va passer plus de temps avec les collaborateurs avec qui il s’entend bien, et moins de temps avec ceux qu’il apprécie moins (voire évitement de certains collègues) ;
  • « Cognitive crafting » : ce sont les efforts que va faire le salarié pour percevoir et interpréter son travail pour en modifier la signification/le sens.

Par ces changements, le salarié aligne tout ce qui le compose en tant qu’individu (motivations, valeurs, etc.) avec le travail demandé en vue de l’optimiser. En effet, il ne s’agit pas du tout de choisir de faire ce qu’on aime et éviter ce qui nous plait moins. Le « job crafting » tend vers l’optimisation du poste de travail, en termes de contenu, méthodes, relations professionnelles, etc. en impactant positivement la signification du travail. C’est un cercle vertueux.

Par exemple, Wrzesniewski, Dutton, et Debebe ont montré en 2003 que le personnel de ménage d’un hôpital qui choisissait d’interagir, de prendre soin et d’apporter du confort aux patients et leurs familles, renforçaient de façon très positive le sens de leur travail vers le « prendre soin ». Ainsi, en dépassant les limites du poste – qui n’inclut pas le lien avec les patients et les familles (« relationnal crafting »), ces salariés s’intègrent d’autant plus à la mission principale de l’hôpital (« cognitive crafting »). En allant au-delà du cadre qui leur est fixé, le personnel de ménage qui s’est engagé auprès de la patientèle et de leurs familles renforce positivement le sens qu’il donne à son travail.

Un impact direct sur la QVCT et la RSE

L’entreprise a clairement son rôle à jouer en permettant aux salariés d’être proactifs sur leur façon de remodeler leur travail. C’est aussi une manière pour elles de s’adapter aux tendances et aux besoins de leurs salariés. Par exemple, certaines organisations permettent à leurs collaborateurs d’allouer du temps de travail pour venir en soutien à des associations (bénévolat d’entreprise ou bénévolat de compétences). Une jolie façon de renforcer la fidélité des salariés, d’enrichir son bilan RSE et de renforcer son image de marque. Il s’agit alors d’encourager les salariés dans cette direction, sans jamais l’imposer. Dans le « job crafting » la proactivité est essentielle.

Plusieurs ingrédients sont donc indispensables pour permettre sa réussite, comme le management par la confiance, la créativité et la communication.

Une solution miracle ?

Comme dit précédemment, encourager les salariés au « job crafting » dans un contexte délétère ne sera probablement pas accueilli de la meilleure des façons. Souvent pratiquée de façon inconsciente, l’adaptation du poste de travail à l’individu n’est pas une solution miracle à proposer à des salariés en perte de sens. Le « job crafting » n’est pas un modèle d’entreprise ou de management, ni encore une tendance. Il s’agit d’un concept, la plupart du temps appliqué inconsciemment par des salariés proactifs à qui on a laissé la latitude suffisante pour s’organiser. Cela participe à leur fidélisation, autant que de proposer un cadre de travail sain et sécurisé psychologiquement, une stratégie d’entreprise explicite et des procédures claires.

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