Lettre d'information mensuelle de la CCI Paris Ile-de-France consacrée à la gestion des ressources humaines : actualités, jurisprudence, fiches pratiques, outils, témoignages d'experts...
L’Ordonnance du 25 mars 2020 prise en application des dispositions de l’article 11 la Loi d’Urgence Sanitaire du 23 mars 2020 permet désormais aux entreprises de déroger aux dispositions légales et conventionnelles en matière de prise de jours de repos, et ce jusqu’au 31 décembre 2020.
Deux régimes différents sont prévus selon que l’employeur souhaite imposer la prise de jours de congés payés ou de jours de repos, jours de Réduction du Temps de Travail (« RTT ») ou droits à CET.
Des mesures dérogatoires en matière de congés payés
Depuis le 26 mars 2020 (date d’entrée en vigueur de l’Ordonnance), les employeurs sont désormais autorisés à imposer la prise de jours de congés payés à leurs salariés, dans la limite de six jours ouvrables et sous réserve du respect d’un délai de prévenance d’un jour franc. Ils peuvent également s’exonérer de leur obligation légale d’obtenir l’accord du salarié en matière de fractionnement des congés payés, ou celle d’accorder des congés simultanés en présence de conjoints ou partenaires d’un PACS travaillant dans la même entreprise.
L’Ordonnance prévoit que l’employeur ne peut utiliser cette faculté que s’il s’appuie sur un accord collectif d’entreprise ou, à défaut, un accord collectif de branche.
Sauf si les branches se saisissent rapidement de cette opportunité, l’opération se révèlera plus complexe à mettre en œuvre pour les entreprises qui ne seraient pas dotées d’un délégué syndical ou d’élus. Dans les plus petites structures par exemple (moins de 20 salariés), l’employeur devra rédiger un projet d’accord qu’il soumettra ensuite au personnel par la voie du référendum, ce qui suscitera des problématiques d’organisation en temps de confinement et dont l’issue reste inévitablement incertaine.
Rappelons toutefois que les dispositions légales auparavant en vigueur restent applicables.
Ainsi, sauf dispositions conventionnelles dérogatoires, la fixation des dates de congés doit suivre les règles de droit commun posées par l’article L.3141-16 du Code du travail, à savoir en respectant un délai de prévenance d’au moins un mois. La modification des congés payés déjà posés dans le mois n’est, quant à elle, possible que sous réserve de justifier de « circonstances exceptionnelles » (sous réserve de l’appréciation des juges, la crise actuelle pourrait rentrer dans cette catégorie).
Rien n’empêchera l’employeur et le salarié, enfin, de trouver un accord sur la prise de quelques jours de congés.
Un dispositif plus souple concernant les jours de repos, jours de RTT et droits CET
En ce qui concerne les jours de repos et les jours de RTT, l’Ordonnance du 25 mars 2020 a prévu un régime plus souple.
L’employeur peut désormais imposer ou modifier les dates de prise des jours de repos ou de jours de RTT à condition de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc. Les droits que le salarié aurait affectés sur un compte épargne-temps (« CET ») pourront également être utilisés par la prise de jours de repos à l’initiative de l’employeur, sous le même délai.
Au global, le nombre de jours de repos, jours de RTT et jours de CET imposés ou modifiés ne pourra, en tout état de cause, pas dépasser 10 jours.
Si l’Ordonnance précise que la période de prise des jours de repos ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020, il conviendra néanmoins d’être vigilant dès lors que l’Ordonnance restreint l’utilisation de ces dispositions temporaires aux situations dans lesquelles « l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19 ».
Une utilisation tardive de ces dispositions dans le courant de l’année 2020 pourrait donc être sujette à des contestations.
Nos recommandations pour anticiper au mieux la mise en place de ces dispositifs
Des difficultés pourraient naître du refus de certains collaborateurs ou, à tout le moins, de la dégradation du climat social, dans un contexte déjà tendu.
Un effort en termes de communication devra nécessairement être réalisé.
En appeler à la responsabilisation collective pour tenter de limiter au maximum les conséquences néfastes en termes d’emploi est essentiel. Le rappel des règles de base en matière de congés payés est également utile (les congés payés seront perdus s’ils ne sont pas pris avant le 31 mai / la prise de congés permettra, en cas de mise en place de l’activité partielle, de ne pas subir de minoration de la rémunération).
Il reste que, si vous souhaitez utiliser ces dispositifs dérogatoires, il conviendra, à tout le moins, de prévoir un nombre équivalent de jours imposés / modifiés, afin de traiter l’ensemble des collaborateurs sur un pied d’égalité.
Parole d'expert :
Anne LELEU-ÉTÉ - Avocat, Droit du travail
Axel Avocats
Parole d'expert : Louise Pécard, avocat et Uriel Sansy, avocat associé et co-fondateur du cabinet Factorhy Avocats
La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat instaurée en 2018, pour l’année 2019, dans le cadre des mesures d’urgence économiques et sociales est reconduite en 2020 par l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020[1], avec quelques nuances.
La DSS a diffusé le 15 janvier 2020 une instruction sous forme de Questions-Réponses[2], dans laquelle elle reprend la plupart des questions des instructions des 4 janvier et 6 février 2019 relative à la prime instituée en 2019. Elle apporte par ailleurs des précisions sur les nouveautés de ce dispositif par rapport à celui créé l’année dernière.
[1] Article 7 de la loi n° 2019-1449 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020
[2] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020 relative à l’exonération de primes exceptionnelles prévue par l’article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020
Dans le contexte de l’épidémie du covid-19 et de l’état d’urgence sanitaire, le gouvernement a décidé d’améliorer et d’assouplir les conditions relatives à ce dispositif.
L’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020, publiée au Journal Officiel le 2 avril 2020, en prévoit les aménagements.
Coup de projecteur sur les changements essentiels opérés sur l’édition 2020 au regard de l’ancien dispositif.
Quelles sont les évolutions concernant les modalités mises en place ?
Les modalités de mise en place ont évoluées en 2020.
En premier lieu, la mise en place de la prime peut être réalisée par accord d’entreprise ou de groupe, ou par décision unilatérale de l’employeur[3].
S’agissant de l’accord d’entreprise ou de groupe, il doit être conclu selon les mêmes modalités que celles relatives à la mise en place d’un accord d’intéressement. Ainsi, pour un accord d’entreprise, il pourrait s’agir (i) d’un accord collectif, (ii) d’un accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise, (iii) d’un accord conclu au sein du comité social et économique ou (iv) d’un accord ratifié par les deux tiers du personnel (étant précisé que s’il existe un comité social et économique ou au moins une organisation syndicale représentative dans l’entreprise, la demande de ratification doit être adressée conjointement par l'employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité). Le texte doit être conclu ou ratifié avant le 30 juin 2020.
Précisons que cet accord peut être négocié ou non dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. Si celle-ci est en cours, il apparaîtrait recommandé de l’intégrer dans cette négociation mais en prenant la précaution de prévenir que son versement ne saurait réduire voire se substituer à des éléments de rémunération existants ou à venir[4].
Par ailleurs, l’accord devra définir sa durée, et prévoir expressément, s’il est à durée indéterminée, que le versement de la prime ne se conçoit que dans le cadre du dispositif légal, ce qui devrait entraîner la caducité de l’accord une fois que celui-ci aura produit effet. Cela éviterait d’avoir à maintenir le versement de la prime après l’abrogation des dispositions légales portant les exonérations fiscales et sociales[5]. Il apparaît donc préférable pour éviter tout débat que l’accord soit à durée déterminée, sous réserve d’en définir précisément la durée pour éviter qu’à défaut cette durée soit de 5 ans[6].
En second lieu et en vertu de l’article 7 de la loi du 24 décembre 2019, le versement de la prime était subordonné à l’existence d’un accord d’intéressement concernant l’année 2020, lequel devait avoir été conclu dans les conditions légales avant le versement de la prime (au plus tard le 30 juin 2020)[7].
Jusqu’à présent, l’accord d’intéressement devait être applicable en 2020 mais n’avait pas nécessairement à couvrir toute l’année 2020. Ainsi, les entreprises pouvaient choisir de différer la date d’application de l’accord, notamment si elles avaient un exercice qui ne correspond pas à l’année civile[8].
L’ordonnance du 1er avril 2020 prévoit désormais les nouvelles modalités suivantes :
- il n’est plus nécessaire, pour toutes les entreprises, d’avoir conclu un accord d’intéressement à la date du versement de la prime (sauf si le montant de la prime est supérieur à 1 000 €, v. infra) ;
- les entreprises peuvent conclure un accord d’intéressement jusqu’au 31 août 2020.
Les accords d’intéressements conclus entre le 1er janvier 2020 et le 31 août 2020 peuvent porter sur une durée comprise entre un et trois ans.
[4] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°4.1 renvoyant à l’article 7, II, 4° de la loi du 24 décembre 2019
[5] Cass. Soc., 26 juin 2019, n° 17-28.288, au sujet de l’ancienne prime de partage des profits
[6] Article L. 2222-4 du code du travail
[7] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°2.4
[8] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°2.4
Quels ont les nouveaux bénéficiaires concernés ?
Comme dans la version 2019, tous les salariés, quelle que soit leur ancienneté, sont éligibles à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, à condition d’être liés par un contrat de travail à la date de versement de la prime et d’avoir une rémunération brute inférieure à trois fois le montant annuel du SMIC, ou à un plafond inférieur fixé par l’employeur.
La période d’appréciation de ce plafond est fixée aux 12 mois qui précèdent la date de versement. Autrement dit, le calcul ne se fera pas par référence à l’année civile, mais par référence à celle du versement, soit au 30 juin 2020 au plus tard.
Les salariés intérimaires présents au moment du versement de la prime auprès des salariés permanents au sein de l’entreprise utilisatrice bénéficient également de la prime exceptionnelle dans les mêmes conditions que les salariés de l’entreprise utilisatrice[9].
L’ordonnance du 1er avril 2020 apporte une modification à cette modulation, prévoyant désormais que les bénéficiaires de la prime sont :
- soit les salariés présents à la date de versement ;
- soit ceux présents à la date de dépôt de l’accord collectif relatif au versement de la prime, ou à la date de signature de la décision unilatérale.
La condition relative à la rémunération maximale des bénéficiaires ne subit pas de changement et demeure applicable.
[9] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°1.9.
Selon quelles modalités le montant de la prime peut-il être modulé ?
Comme précédemment, le montant de la prime peut être modulé entre les salariés en fonction de la rémunération, du niveau de classification, de la durée de présence effective pendant l’année écoulée (les congés maternité, paternité, d’adoption, d’éducation parentale, de maladie d’un enfant ou de présence parentale ne devant toutefois pas être décomptés comme des absences) et de la durée du travail. En revanche, aucun critère ne peut servir à exclure un salarié[10].
Ces conditions s’apprécient cette année sur les 12 derniers mois précédant le versement de la prime[11].
Afin que la condition de versement à l’ensemble des salariés éligibles soit remplie, il n’est pas possible que la modulation aboutisse au versement d’une prime égale à zéro, sauf pour un salarié qui n’a pas été effectivement présent dans l’entreprise au cours des 12 mois précédant le versement de la prime ou n’a perçu aucune rémunération au cours de cette même période, ou encore en cas de rémunération supérieure au plafond fixé par l’employeur. Pour remédier à cette difficulté, l’employeur peut fixer un plancher minimal de versement[12].
Par ailleurs, il est toujours possible d’attribuer un montant de primes différent selon l’établissement dont relèvent les salariés en cas d’accord ou de décision unilatérale adoptés au niveau de l’entreprise ou d’accord adopté au niveau de l’établissement. En revanche, cela n’est plus possible en cas de décision unilatérale au niveau de l’établissement[13].
En outre, l’ordonnance du 1er avril 2020 instaure un aménagement relatif au montant maximal de la prime ouvrant droit aux exonérations pour l’entreprise :
- en l’absence d’accord d’intéressement, le montant maximal de la prime est de 1 000 euros pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales ;
- en présence d’un accord d’intéressement valablement conclu à la date du versement de la prime, le montant maximal de la prime peut être porté à 2 000 euros pour bénéficier des exonérations fiscales et sociales.
Enfin, l’ordonnance ajoute un nouveau critère de modulation du montant de la prime est ajouté et prévoit la possibilité de tenir compte des "conditions de travail liées à l’épidémie" du Covid-19.
[10] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°1.5 et 3.2
[11] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°3.2 et 3.3
[12] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°3.7
[13] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°3.5
Jusqu’à quelle date la prime peut-elle être versée ?
S’agissant de la date du versement de la prime, la loi du 24 décembre prévoyait qu’il pouvait avoir lieu jusqu’au 30 juin 2020. Il s’agissait d’une date limite impérative.
Désormais, l’ordonnance du 1er avril 2020 précise que le versement de la prime peut être effectué jusqu’au 31 août 2020.
Enfin, la prime peut toujours faire l’objet d’avances selon les règles de droit commun applicables à toute forme de rémunération[14].
[14] Inst. DSS/5B/2020/11 du 15 janvier 2020, n°5.1
Parole d'expert :
Louise Pécard, avocat et Uriel SANSY, avocat associé et co-fondateur du cabinet Factorhy Avocats
Parole d'expert : Thomas CUQ - Avocat en droit du travail et droit des affaires et Anne-Sophie LEHEMBRE - Avocate en droit du travail, Cabinet AD HOC
Tout au long de l’année, les occasions de célébrer un évènement particulier au sein de l’entreprise (fêtes de fin d’année, départ, anniversaire, etc.) sont nombreuses.
Néanmoins, celles-ci peuvent dégénérer, notamment en raison d’une consommation d’alcool non maitrisée, dont les conséquences, pour l’employeur comme les salariés, ne sont pas sans gravité.
Ainsi, si la consommation d’alcool peut être autorisée lors de ces occasions particulières, certaines règles doivent néanmoins être respectées.
Encadrement de la consommation
Vecteur de cohésion, les « pots d’entreprise » peuvent être propices à la consommation d’alcool qui est alors encadrée par le code du travail.
Ainsi, il est possible de consommer dans l'entreprise des boissons alcoolisées limitativement énumérées : vin, bière, cidre et poiré (article R. 4228‐20 du code du travail).
De là à envisager l’installation de fûts de bière dans les « open space » à l’instar des entreprises américaines, l’employeur ne doit pas perdre de vue qu’il doit veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés, et donc refuser de mettre en œuvre « quelques bonnes idées ».
En effet, il lui incombe ne pas laisser entrer ou séjourner dans les locaux des personnes en état d’ivresse (article R4228-21 du code du travail), et peut même limiter, voire interdire la consommation de boissons alcoolisées, même autorisées, dès lors que celle-ci est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des salariés.
Cette interdiction totale et absolue de consommation d’alcool n’est cependant valable que si l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque est démontrée (CE 12 novembre 2012 n°349365 et CE 8 juillet 2019 n°420434).
Pour ce faire, l’employeur dispose d’outils, tels que le règlement intérieur (article L1321-1 du code du travail), voire des notes de service.
Attention toutefois à ce que le règlement intérieur, ou les notes de service, encadrant la consommation d’alcool, fassent l’objet des formalités d’information et de publicité auprès du comité social et économique, et soient communiqués à l’inspection du travail et déposés auprès du greffe du Conseil des prud’hommes, afin de leur être opposables (articles L1321-4 et R1321-2 du code du travail).
À défaut, l’employeur ne pourra pas sanctionner un salarié sur le fondement de ces dispositions (Cass. Soc. 9 mai 2012 n°11-13687).
Vigilence quant aux abus
Au-delà de l’image apparemment positive de l’alcool sur la convivialité en entreprise, cette pratique peut poser un certain nombre de difficultés dans la mesure où l’employeur demeure responsable des éventuels abus pouvant survenir ; l’alcool peut en effet générer des comportements hasardeux, sinon répréhensibles, voire causer des accidents graves.
Quelles en sont les conséquences ?
• Risque pour l’employeur
Sous l’égide d’une obligation générale de veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés (article L4121-1 et suivants du code du travail), le chef d’entreprise qui méconnaitrait les dispositions interdisant certaines boissons alcoolisées sur le lieu de travail et/ou l’entrée et le séjour dans ces mêmes lieux de personnes en état d’ivresse, serait passible d’une amende de 3 750 euros par infraction constatée (article L4741-1 du code du travail).
En cas de manquement, sa responsabilité civile et/ou pénale pourrait également être recherchée si, par exemple, un salarié devait être victime d’un accident lié à la consommation d’alcool (Cass. Crim. 30 novembre 1993 n°92-82090).
• Risque pour les salariés
Réciproquement, chaque salarié doit veiller à sa propre sécurité, mais également à celle de ses collègues de travail, car, en cas de manquement, sa responsabilité civile et/ou pénale pourra également être recherchée (article L4122-1 du code du travail).
Ainsi, la culpabilité de deux salariés, du délit de non-assistance à personne en danger, a été retenue, ceux-ci ayant laissé leur collègue prendre son véhicule, alors qu’ils avaient conscience de son état d’ébriété (Cass. Crim. 5 juin 2007 n°06-86228).
Au-delà des accidents qui surviennent du fait de la consommation d’alcool, l’employeur peut également être confronté à des agissements et/ou des propos tenus par un salarié en état d’ébriété.
Dans cette hypothèse, si l’attitude du salarié a :
- Altéré le fonctionnement ou l’image de l’entreprise
- Provoqué des dommages
- Mis en danger des personnes ou des biens
Afin que ces « pots d’entreprise », par nature conviviaux, ne constituent pas une source de risques, tant pour l’employeur que pour ses salariés, il convient de se prémunir ou d’agir au premier comportement suspect.
La prévention et les actions à mener
Au regard de ces abus, il convient de s’interroger quant aux moyens dont peut disposer l’employeur pour prévenir l’ivresse et ses conséquences au sein de son entreprise.
• « Sans alcool la fête est plus folle »
Pour prévenir tout risque lié à la consommation d’alcool, l’employeur dispose évidemment de plusieurs moyens de prévention :- Prévoir de l’alcool en quantité limitée
- Prévoir plus de boissons non alcoolisées
- Affecter une personne à la distribution de boissons alcoolisées de manière à empêcher un accès direct aux boissons
- Organiser un service de prise en charge des collaborateurs ayant abusé des boissons alcoolisées (taxi, covoiturage, etc.)
- Mise à disposition d’éthylotest
Une telle démarche a pour vocation :
- D’informer et sensibiliser les salariés au risque alcool
- D’élaborer des protocoles internes, par exemple : une politique « alcool » lors de pots d’entreprise
- De préparer des propositions à intégrer au règlement intérieur de l’entreprise
• « Boire ou être puni, il faut choisir »
Face à une situation d’ivresse dans l’entreprise, l’employeur doit réagir, mais comment ? En présence d’un salarié ivre sur son lieu de travail, l’employeur doit tout d’abord le retirer de son poste de travail ou lui en interdire l’accès.En revanche, il ne doit pas le renvoyer chez lui, sauf à le faire raccompagner par un collègue ; en effet, sa responsabilité pourrait être engagée en cas d’accident survenu au salarié ou causé par lui.
Selon ce qui existe au sein de l’entreprise, notamment au travers du règlement intérieur, l’employeur peut :
- Faire passer un test d’alcoolémie au salarié concerné, conformément aux conditions fixées dans le règlement intérieur. À défaut, le résultat s’il est positif ne pourra pas fonder une sanction disciplinaire (Cass. Soc. 2 juillet 2014 n°13-13757)
- Sanctionner tout salarié qui ne respecterait pas les dispositions (licites) du règlement intérieur en matière d’introduction et de consommation d’alcool au sein de l’entreprise (simple consommation d’alcool ou état d’ébriété) : avertissement, blâme, mise à pied, rétrogradation, ou licenciement.
Autrement dit, la consommation d’alcool en dehors du temps et du lieu de travail ne pourrait pas nécessairement faire l’objet d’une sanction.
L’employeur dispose néanmoins de deux parades :
- Si, pendant l’exercice de ses fonctions, le salarié se trouve toujours sous l’emprise de l’alcool, même consommé en dehors des temps et lieu de travail, une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute demeure possible
- Si le salarié n’est en revanche plus sous l’emprise de l’alcool consommé en dehors des temps et lieu de travail, un licenciement peut être envisagé au regard du trouble objectif causé dans le fonctionnement de l’entreprise : absences répétées, désorganisation de l’entreprise, etc.
En entreprise comme ailleurs, la règle est la même : consommer, mais avec modération.
Parole d'expert :
Thomas CUQ - Avocat en droit du travail et droit des affaires
Anne-Sophie LEHEMBRE - Avocate en droit du travail
Cabinet AD HOC
Parole d'expert : Sophie Amar - Avocat - Cabinet AMAR LEGAL
L’un des effets du barème Macron fixant un plafonnement des indemnités accordées par les juridictions Prud’homales en cas de licenciement abusif est la multiplication des dénonciations d’agissements de harcèlement moral (fondées ou non) et des contentieux sur le sujet.
Il n’existe quasiment plus de contestation du licenciement, sans demande d’indemnisation parallèle portant sur le harcèlement moral. La raison est simple : dans ce cas, le licenciement est nul et l’indemnisation du préjudice n’est pas limitée par ce barème qui ne s’applique pas en cas de harcèlement moral.
L’interdiction de harcèlement moral et l’obligation de sécurité sont deux obligations majeures pesant sur l’employeur. Systématiquement, dans le cadre de ces contentieux, l’employeur doit se justifier sur ces deux problématiques.
En sanctionnant l’absence d’enquête interne organisée par l’employeur, dans son arrêt du 27 novembre 2019 (1), la Cour de Cassation vient de rappeler la distinction à faire entre d’une part l’obligation de prévention des risques professionnels et d’autre part l’interdiction du harcèlement.
L’enquête interne et l’interdiction de harcèlement moral
S’agissant des réclamations portant sur le harcèlement moral, la charge probatoire est lourde pour l’employeur puisqu’il lui incombe de se justifier en démontrant précisément l’absence de tout acte de harcèlement moral quand il est mis en cause directement et/ou de déterminer clairement l’existence d’agissements imputables au(x) managers ou autres salariés pour pouvoir les sanctionner à ce titre le cas échéant.
Ainsi, dans ce type de contentieux, le salarié qui s’estime victime d’un harcèlement doit simplement apporter la preuve de la matérialité de faits qui, selon lui, caractérisent une situation de harcèlement moral. De son côté, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve que chacun des faits allégués est objectivement justifié par un motif étranger à tout harcèlement moral. Sur la base des éléments communiqués par chacun, le Juge doit apprécier au cas par cas si les agissements de harcèlement moral sont établis. En particulier, le Juge analyse « les éléments de preuve fournis par l’employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral » (Cass. soc. 16 mai 2018, n° 16-19527).
Par précaution, dans ce contexte, il est d’usage d’organiser une enquête interne dans l’entreprise dès réception d’une réclamation d’un salarié portant sur des agissements de harcèlement moral.
Dans un cadre contradictoire et impartial, cette enquête permet de faire toute la lumière sur les agissements dénoncés par le salarié et d’être en mesure de collecter des preuves objectives qui seront indispensables dans le cadre d’un contentieux.
L’enquête interne et l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur
Mais attention, l’enquête interne n’est pas seulement un moyen permettant de démontrer ou pas l’existence de harcèlement moral.
Il s’agit d’une procédure indispensable à l’employeur pour mettre en oeuvre son obligation de sécurité.
L’employeur est en effet responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés.
En application des dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
- des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
- des actions d'information et de formation,
- la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
Il doit en particulier :
- Eviter les risques,
- Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités
- Combattre les risques à la source.
Sur le plan Prud’homal, les conséquences du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité sont importantes dans la mesure où il s’expose à subir une requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un licenciement pour inaptitude lorsque l’inaptitude d’un salarié trouve son origine dans le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ou une résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur. En outre, l’employeur sera redevable de dommages-intérêts, le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Jusqu’en 2015, la simple constatation de la réalisation d’un risque professionnel, telle une situation de harcèlement moral, suffisait à mettre en jeu la responsabilité de l’employeur pour non-respect de son obligation de sécurité dite de résultat.
Depuis 2015 (2), la Cour de Cassation a écarté une stricte obligation de sécurité de résultat de l’employeur en matière de risques psychosociaux. La responsabilité de l’employeur n’est plus engagée « automatiquement » dès qu’une situation de harcèlement moral est reconnue.
Pour pouvoir s’exonérer de cette responsabilité en matière de harcèlement moral, l’employeur doit démontrer qu’il a pris toutes les mesures de nature à éviter et faire cesser le risque professionnel. Il lui incombe de démontrer toutes les mesures concrètes mises en place par ses soins d’une part pour éviter la réalisation du risque professionnel et d’autre part, pour y mettre fin s’il se réalise (3).
Quand les mesures de prévention n’ont pas permis d’éviter une situation de harcèlement moral, dès réception de la réclamation d’un salarié à ce sujet, l’employeur se doit d’agir pour d’une part, identifier les agissements comme les auteurs des actes de harcèlement moral et d’autre part, pour protéger le salarié victime et mettre fin à ces actes de harcèlement.
C’est ce contexte d’action de protection de la santé et de la sécurité du salarié que s’inscrit l’enquête interne, indépendamment de la reconnaissance par les Juges des actes de harcèlement moral.
La Cour de Cassation vient de préciser clairement dans son arrêt du 27 novembre 2019 (1) que l’absence de mise en place d’une enquête interne après des révélations et des plaintes de harcèlement moral par un salarié est un manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques professionnels, même si le harcèlement moral n’est pas prouvé ou n’a pas existé.
Si la responsabilité de l’employeur pour non-respect de son obligation de sécurité n’est plus retenue uniquement du fait de l’existence d’une situation de harcèlement moral, l’absence de harcèlement moral ne dispense pas l’employeur de ses obligations en matière de sécurité.
Il ne doit pas y avoir de confusion entre l’obligation de prévention des risques professionnels et l’interdiction des agissements de harcèlement moral.
Concrètement, hormis les mesures de prévention mises en place en amont, dès qu’un salarié se plaint de harcèlement moral, de souffrance au travail, de mal-être, de surmenage…il convient d’organiser au plus vite une enquête interne impliquant les représentants du personnel, la Médecine du travail et l’Inspection du Travail.
Avec ce dernier arrêt de la Cour de Cassation du 27 novembre 2019, plus aucune hésitation possible : l’enquête interne n’est plus une mesure de précaution, elle est obligatoire.
(1) Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 27 novembre 2019 : RG n° 18-10551.
(2) Cour de cassation, chambre sociale arrêt du 25 novembre 2015, n° 14-24444.
(3) Cour de cassation, chambre sociale arrêt du 1er juin 2016, n° 14-19.702.
Parole d'expert :
Sophie Amar, Avocat - Cabinet AMAR LEGAL
Parole d'expert : Uriel SANSY, avocat associé et co-fondateur du cabinet Factorhy Avocats,
titulaire de la spécialisation en droit du travail
Chaque année, de nombreux employeurs choisissent de fermer leur entreprise pour la période couvrant les fêtes de fin d’année. Les salariés desdites entreprises sont alors tenus de prendre leurs congés payés pour une durée égale à celle de cette fermeture.
Si un tel procédé apparaît envisageable, certaines règles doivent être respectées.
Retour sur quelques questions que l’employeur peut ainsi se poser.
La loi encadre-t-elle la possibilité de procéder à la fermeture temporaire de l’entreprise ?
La question de la fermeture temporaire de l’entreprise doit dans notre hypothèse être analysée sous le prisme des congés payés.
En la matière, l’employeur doit, tout d’abord, s’attacher à vérifier les dispositions conventionnelles applicables à l’entreprise (que ce soit un accord collectif négocié au sein de l’entreprise ou d’un établissement ou une convention ou un accord de branche). De tels accords peuvent en effet fixer des règles relatives, notamment, à la période de prise des congés payés[1]. Il peut ainsi arriver que ces textes viennent prévoir des modalités particulières relatives à la fermeture de l’entreprise, voire viennent d’ores et déjà fixer les dates annuelles de fermeture de l’entreprise avec prise des congés payés pour l’ensemble des salariés.
En l’absence de toute disposition conventionnelle contraignante pour l’employeur, cette décision relève du pouvoir de direction de l’employeur sous réserve de bien respecter au préalable la consultation du comité social et économique (v. infra). Cela signifie que l’employeur n’a pas à recueillir l’accord des salariés pour pouvoir y procéder[2].
[1] Article L. 3141-15 du code du travail
[2] Article L. 3141-19 du code du travail : l’accord du salarié n’est pas nécessaire, même en cas de fractionnement des congés payés lorsque le congé principal est d'une durée supérieure à douze jours ouvrables.
Si l’employeur envisage de procéder à la fermeture de l’entreprise, est-il néanmoins tenu de consulter les instances représentatives du personnel ?
En cas d’absence de disposition conventionnelle sur ce point, la fermeture de l’entreprise implique la consultation préalable du comité social et économique à double-titre : d’une part, au titre de la fixation de la période de prise des congés payés (puisqu’elle doit couvrir la période de fermeture)[3], d’autre part, pour les entreprises d’au moins cinquante salariés, au titre de la compétence générale du comité social et économique relative à la marche générale de l’entreprise[4].
Cet avis n’est pas liant : qu’il soit favorable ou non, l’employeur peut, une fois l’avis rendu, décider de procéder pour une période déterminée à la fermeture de l’entreprise avec la prise, pour l’ensemble des salariés sur cette période, des congés payés.
D’un point de vue opérationnel, si l’employeur envisage de procéder à la fermeture de l’entreprise pour les fêtes de fin d’année, il peut être recommandé, pour éviter d’avoir à multiplier les procédures de consultation du comité social et économique au cours de l’année, de présenter ce projet et les dates envisagées au moment où est évoquée la question de la période de prise des congés payés.
L’employeur doit alors faire preuve d’anticipation puisque cette consultation a généralement lieu en début d’année civile.
En effet, l’employeur doit porter à la connaissance des salariés la période de prise des congés payés au moins deux mois avant son ouverture[5] . La période de prise des congés payés doit nécessairement comprendre la période du 1er mai au 31 octobre[6]. L’employeur doit donc, pour respecter le délai de deux mois susvisé, recueillir l’avis du comité sur la période de prise des congés envisagées (et, donc, aussi si cela est le cas, sur le projet de fermeture de l’entreprise et les dates envisagées) au plus tard au cours du mois de février pour une période de prise des congés débutant le 1er mai.
En limitant à trois ans, renouvelable une fois, la durée de ces accords, le législateur cherche à dynamiser les politiques RH relatives à l’emploi des travailleurs handicapés au sein de chaque entreprise.
[3] Article L. 3141-16 du code du travail
[4] Article L. 2312-8 du code du travail ; Cass. crim., 6 février 1979, n° 77-91.923
[5] Article D. 3141-5 du code du travail ; étant précisé qu’au-delà du délai d’information légal de deux mois, le fait de fixer une fermeture de l’entreprise au dernier moment a déjà pu être remis en cause par le juge (Cass. soc., 25 février 1998, n° 95-45.659)
[6] Article L. 3141-13 du code du travail
Est-il possible de fermer l’entreprise pour une période continue égale à la totalité des congés payés légaux (30 jours ouvrables) ?
La durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables. Il ne peut être dérogé individuellement à cette limite que pour les salariés qui justifient de contraintes géographiques particulières ou de la présence au sein du foyer d'un enfant ou d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie[7].
Cela s’oppose a priori donc à une fermeture de l’entreprise couvrant la totalité des congés payés légaux.
[7] Article L. 3141-17 du code du travail
La fermeture de l’entreprise pour la période des fêtes de fin d’année peut-elle amener les salariés à bénéficier de jours de congé supplémentaire ?
Le fait pour un salarié de ne pas bénéficier, en une seule fois, de vingt-quatre jours ouvrables de congé (soit la durée maximale des congés pouvant être pris en une seule fois, v. supra) correspond, selon la loi, à un « fractionnement » des congés payés.
Il est ainsi possible de fractionner la prise des congés payés, sous réserve que l’une de ces fractions soit au moins égale à douze jours ouvrables continus compris entre deux jours de repos hebdomadaire[8].
Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut fixer la période pendant laquelle la fraction continue d'au moins douze jours ouvrables est attribuée ainsi que les règles de fractionnement du congé au-delà du douzième jour[9].
A défaut et sauf accord individuel du salarié, ce dernier doit bénéficier au titre de ses congés payés d’une fraction continue d'au moins douze jours ouvrables pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année.
Les jours restants dus peuvent ensuite être accordés en une ou plusieurs fois en dehors de cette période (sous réserve que les jours soient pris au cours de la période de prise des congés payés fixée par l’employeur, v. supra). Dans cette hypothèse, le salarié bénéficie de deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congé pris en dehors de cette période est au moins égal à six et un seul lorsque ce nombre est compris entre trois et cinq jours (étant précisé, comme évoqué ci-avant, que les jours de congé principal dus au-delà de vingt-quatre jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément)[10].
Concrètement, deux situations peuvent ainsi se présenter si l’employeur décider de fermer l’entreprise pour la période des fêtes de fin d’année :
- soit cela amène le salarié à poser au plus six jours ouvrables de congé, sans poser d’autres jours de congé sur la période du 1er novembre au 30 avril : ce dernier n’a alors droit à aucun jour de congé supplémentaire ;
- soit cela amène le salarié à poser plus que six jours ouvrables du 1er novembre au 30 avril : ce dernier peut, sauf renonciation individuelle, avoir droit à des jours ouvrables de congé supplémentaire (un à deux jours selon le nombre total de jours de congé pris du 1er novembre au 30 avril).
[8] Article L. 3141-19 du code du travail
[9] Article L. 3141-21 du code du travail
[10] Article L. 3141-23 du code du travail
Parole d'expert :
Uriel SANSY, Avocat associé et co-fondateur du cabinet Factorhy Avocats,
titulaire de la spécialisation en droit du travail
Parole d'expert : Nathalie Rivière et
Anne-Françoise Nay-Laplasse,
Avocates Droit social - FIDAL
La loi dite « Avenir Professionnel » du 5 septembre 2018 a simplifié l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés. Trois décrets du 27 mai 2019 et une ordonnance du 21 août 2019 ont mis en œuvre cette réforme qui s’appliquera à compter du 1er janvier 2020. Sur la période 2020 à 2024, un dispositif viendra atténuer les éventuelles hausses de la contribution AGEFIPH provoquées par la réforme.
Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap reste fixé à 6% de l’effectif de l’entreprise (révisable tous les 5 ans), mais les modalités de calcul et de déclaration changent dès le 1er janvier 2020.
Ci-après les principaux points à retenir :
Une procédure de déclaration annuelle simplifiée
Dès 2020, toutes les entreprises, y compris celles comptant moins de 20 salariés, déclareront leur effort en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Ces données permettront de mieux connaître la réalité de l’emploi des personnes handicapées.
Mais seuls les employeurs de 20 salariés et plus seront assujettis à l’obligation d’emploi de 6% de travailleurs handicapés et devront verser une contribution en cas de non-atteinte de cet objectif, comme actuellement.
Pour l’année 2020, soit pour les déclarations obligatoires d’emploi de personnes handicapées effectuées à compter de mars 2021, les employeurs ne les adresseront plus directement à l’AGEFIPH. La déclaration sera établie au moyen de la DSN.
Les effectifs d’assujettissement et de bénéficiaires seront calculés conformément à l’article L.130-1 du Code de la sécurité sociale issu de la loi PACTE. Ils devront correspondre à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l’année civile précédente.
Il est prévu une valorisation spécifique des BOETH (Bénéficiaires de l’Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés) rencontrant des difficultés de maintien en emploi. Ainsi, les bénéficiaires de 50 ans et plus seront affectés d’un coefficient de valorisation de 1,5.
L’unité d’assujettissement ne sera plus l’établissement mais l’entreprise.
Les modalités de réponse à l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés : l’évolution vers une politique d’emploi inclusive
- Les accords agréés au cœur d’une politique pour l’emploi
Les entreprises, groupes ou branches professionnelles peuvent à ce jour conclure des accords agréés en faveur de l’emploi des personnes handicapées, mais ce dispositif est imparfait.
En limitant à trois ans, renouvelable une fois, la durée de ces accords, le législateur cherche à dynamiser les politiques RH relatives à l’emploi des travailleurs handicapés au sein de chaque entreprise.
- La valorisation de toutes les formes d’emploi dans le calcul de BOETH
Tous les types d’emploi seront pris en compte dans le décompte des bénéficiaires de l’obligation d’emploi afin d’encourager l’emploi sous toutes ses formes : stagiaires, périodes de mise en situation, etc.
- Priorité à l’emploi direct
A compter du 1er janvier 2020, les contrats de sous-traitance, ou de prestations de services avec les entreprises accueillant des personnes handicapées, ne seront plus une modalité d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi.
Ils seront cependant pris en compte sous la forme d’une déduction de la contribution due. Les modalités de calcul seront simplifiées grâce à l’application d’un taux unique, quel que soit le type d’achat (30% du coût de la main-d’œuvre) dans la limite d’un plafond dépendant du nombre de bénéficiaires de l’obligation d’emploi employés dans l’entreprise.
Les nouvelles modalités de calcul de la contribution annuelle : recentrage des dépenses déductibles
Les employeurs pourront toujours s’acquitter de leur obligation d’emploi en versant une contribution annuelle.
Son calcul est cependant modifié (suppression de certaines déductions et minorations).
Les dépenses déductibles du montant de la cotisation due par l’entreprise seront recentrées autour de trois catégories au lieu des 13 existantes
aujourd’hui :
1.la réalisation de diagnostics et de travaux favorisant l’accessibilité des locaux de l’entreprise aux travailleurs handicapés, au-delà des obligations légales ;
2.le maintien en emploi et la reconversion professionnelle ;
3.des prestations d’accompagnement dans l’accès à l’emploi ou le maintien en emploi de travailleurs handicapés qui peuvent être notamment assurées par des associations, des EA ou encore des ESAT et des actions de sensibilisation/formation des salariés de l’entreprise.
Le plafond de la déduction est inchangé (10%).
Le recouvrement de la contribution sera assuré par un seul interlocuteur : les URSSAF ou les caisses de MSA (selon le régime d’assujettissement) qui reverseront le montant de la contribution à l’AGEFIPH.
Rappelons enfin que depuis septembre 2018, toutes les entreprises employant au moins 250 salariés doivent désigner un « référent handicap » chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les personnes en situation de handicap.
Parole d'expert :
Nathalie Rivière et Anne-Françoise Nay-Laplasse, Avocates droit social
FIDAL
Parole d'expert :
Anne LELEU-ÉTÉ - Avocat, Droit du travail - ALE AVOCATS
La loi PACTE du 22 mai 2019 ne bouleverse pas le dispositif de la participation mais le fait évoluer avec l’entrée en vigueur de 4 nouvelles règles.
A noter également une nouvelle obligation de négociation de branche devant aboutir, au 31 décembre 2020 au plus tard, à un accord de participation adapté aux spécificités des entreprises de moins de 50 salariés.
Modification des règles de déclenchement de l’obligation
Jusqu’à présent, la participation était obligatoire dans toute entreprise ou unité économique et sociale (UES) ayant employé au moins 50 salariés pendant 12 mois, consécutifs ou non, au cours des trois derniers exercices.
Avec la loi PACTE, à compter du 1er janvier 2020, l’effectif sera désormais calculé selon la moyenne des salariés employés pour chacun des mois au cours de l'année civile précédente(1) . Cette nouvelle règle de calcul fait partie du dispositif global d’harmonisation des règles relatives aux seuils d’effectifs porté par la loi PACTE.
Par ailleurs, l’obligation de mettre en place la participation s’appliquera « à compter du premier exercice ouvert postérieurement à une période de cinq années civiles consécutives au cours desquelles ce seuil a été atteint ou dépassé ». Cette règle signifie que si une entreprise atteint le seuil de 50 salariés, elle ne sera tenue de se doter d’un accord de participation que si son effectif se maintient pendant cinq années consécutives. Si son effectif passe en dessous de 50 salariés une année, alors une nouvelle période de cinq années s’ouvre.
Ouverture du dispositif à de nouveaux bénéficiaires
Les conjoints associés ou collaborateurs et, avec la loi PACTE, les personnes liées au dirigeant par un PACS pourront bénéficier de la participation, si l’effectif de l’entreprise est compris entre 1 et 249(2) salariés (à condition de pouvoir justifier, eux-aussi, du statut d’associé ou de collaborateur du dirigeant).
Baisse du plafond individuel de la réserve spéciale de participation
L’accord de participation doit prévoir la constitution d’une Réserve Spéciale de Participation (RSP) qui est ensuite répartie entre les salariés selon certains critères.
Lorsque la RSP est répartie proportionnellement aux salaires perçus, le salaire servant de base au calcul est désormais limité à 3 fois le Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS), soit 121.572 euros pour 2019, au lieu de 4 PASS actuellement. En modifiant cette règle, le souhait du législateur était de favoriser une répartition de la RSP plus équitable entre les salariés.
La fin des comptes courants bloqués
Jusqu’à présent, l’accord de participation pouvait prévoir l’affectation des sommes constituant la RSP soit (i) à un plan d’épargne salariale (PEE/PEI/Perco), soit (ii) à des comptes courants bloqués (CCB) gérés par l’entreprise.
La loi PACTE supprime cette seconde possibilité pour les nouveaux accords de participation.(3)
(1) Conformément aux dispositions de l’article R130-1 du Code de la Sécurité Sociale.
(2) L’effectif jusqu’à présent applicable étant de 1 à 250 salariés – règle également modifiée par la loi PACTE.
(3) Sauf dans 3 cas : pour (i) les sociétés coopératives de production (« SCOP »), (ii) les sociétés dotées d’un accord le permettant et antérieur au 24 mai 2019 ou encore (iii) les sociétés auxquelles est appliqué un régime d’autorité.
Parole d'expert :
Anne LELEU-ÉTÉ - Avocat, Droit du travail
ALE AVOCATS